t tLE BRÉSIL ET ROSAS. PARIS. IMPRIMÉ PAR E. THUNOT ET C", ROE HACINE, 26. 1861.Je ne veux pas remuer toutes les questions qui se rattachent á notre intervention dans la Plata et aux traités Le Prédour. Sur les généralítés de l'affaíre elle- mémc, sur les devoirs qu'impose á la France le soin de son honneur et de ses intéréts, il s'est fait depuis dix-huit ans une vaste instruction dont tous les élé- ments sont entre Ies inains du public et dans laquelle ont été entendus tour á tour tous les chefs de cabinet, tous les hommes éminents du parlement et de la di- plomatie. Si peu qu'on ait été mélé par ses fonctions ou par ses études aux choses de la politique, on a une opinión faite sur Rosas et son gouvernement, sur Montevideo et ses défenseurs, sur notre intervention si variée dans ses phases, si uniforme dans ses échecs! De tout cela je ne veux rien diré que ce qui sera absolument indispensable á l'objet spécial du travail je soumets au public. Je ne traiterai qu'un seul— 4 — coté de la question, et je ne m'exposerai pas á des re- dites, car ce cóté est entiérement nouveau ; il s'estré- vélé depuis la derniére et solennelle discussion qui a eu lieu en décembre 49 et en janvier 50. Les faits qui s'y rattachent sont mal connus en Europe, et comme, selon mol, la question intéresse au plus haut point notre avenir commercial, comme elle est grosse des mécomptes les plus graves et les plus immédiats, mé- comptes qui jusqu'ici étaient en dehors des courtes prévisions du législateur, il me parait utile, nécessaire méme de porter ees faits avec leurs conséquencesála connaissance de FAssemblée, pour qu'elle sache au moins sur quoi elle vote. Quand je parle de la nouveauté absolue de la ques- tion , je m'explique. II est trés-vrai que, dans la pré- cédente discussion, on s'est oceupé des projets de Rosas á l'endroit du Brésil, et des conséquences qui devaient sortir, a ce point de vue, de l'adoption ou du rejet du traité; mais on a raisonné sur des hypothéses, et le champ était ouvert aux controverses. Aujourd'hui l'Assemblée est appelée á discuter et a voter sur des faits, car la rupture, prévue par les uns, niée par les autres, a éclaté. G'est á la conscience des représen- tants de voir si cet état nouveau de la question ne doit pas exercer sur le vote une décisive influence. Je renfermerai done ma discussion dans le cercle de ees faits. Je rappellerai d'abord quelles ont été les préoecu- pations antérieures des hommes d'État francais au su- jet de la possibilité d'une rupture entre le Brésil et Rosas, et des conséquences que la décision á prendre devait avoir sur la paix ou la guerre dans TAmérique du Sud. Je raconterai ensuite les négociations qui ont été suivies á Rio entre le gouvernement impérial et le mi- nistre argentin, au sujet des réclamations incessantes de Rosas et d'Oribe, réclamations qui se pliaient sin- guliérement aux circonstances, qui étaient ou fort adoucies ou acerbes jusqu'á l'insolence, selon que l'ac- tion francaise paraissait plus ou moins á redouter dans la Plata. Je dirai l'issue de ees négociations qui ont aboutiáune rupture ouverte, au momentméme oül'a- miral Le Prédour venait de signer ses seconds traités. Enfin j'examinerai Ies conséquences, á mes yeux, certaines, inévitables, de cette rupture, soit dans le cas de ratification , soit dans le cas de rejet des traités Le Prédour. Aprés cette étude des faits, je rechercherai la solution qui commande á la France le soin de sa dignité et de ses intéréts.Compromettre gravement des relations qui, chaqué jour, prenaient un développement plus considerable, ou bien, par un effort désormais facile, cimenter pour jamáis les sympathies qui nous rattachent la population et le gouvernement du Brésil, et ouvrir á notrc commerce les plus magnifiques perspectives, telles sont les deux altematives entre lesquelles l'As- semblée est appelée á choisir. Quoi qu'on en dise, j'ai peine h croire qu'elle hésite. C. R. I PRÉCÉDENTS DE LA QUE8TION DE LA PLATA, EN CE QUI CONCERNE LE BRÉSIL. On peut aisément se tromper quand on apprécie certaines éventualités qui ne sont pas dans la forcé des choses , et qui tiennent exclusivemértt au caprice d'un homme. Rechercher quelle devait étrc, dans un cas donné, la politique de Rosas, c'était s'exposer h se fourvoyer complétement, car l'astucieux Gaucho passe avec une facilité merveilleuse de la témérité la plus effrontée á la prudence la plus circonspecte; il invoque ou foule aux pieds le droit des gens et le droit public; il tue comme un condottiere ou il ergote comme un procureur. C'est son intérét seul qui le guide, et Tin- térét de Rosas n'est pas facile a déterminer, car cet homme ne livre á personne, pas méme á ses Instru- ments los plus intimes, le secret de ses plans. Sa femme en savait quelque chose, et Rosas n'a pas souf- fert qu'un confesseur assistát h ses demiers moments,la pauvre Encarnación (1). Manuelita elle-méme, sa filie adorée, se tient discrétement en dehors des con- fidences politiques, et ne cherche pas á connaítre le sens du role qu'on lui fait jouer vis-a-vis des diplo- mates européens. Personne á Buénos-Ayres méme n'osera aífirmer qu'il connaít le but de Rosas, et sur- tout les moyens par lesquels il veut atteindre son but. On soupconne vaguement qu'il a une ambition déme- surée qui ne vise á ríen moins qu'á reconstituer k son profit l'ancienne vice-royauté de Buénos-Ayres. Mais comment cet nomine, qui n'a su faire autour de lui que des ruines, ménera-t-il á fin ees vastes plans, niés d'ailleurs par ses plus déterminés partisans? Com- ment , aprés avoir dépensé quinze ans de vie et de puissance á ne pas venir á bout de Montevideo, s'y prendra-t-il pour vaincre les résistances du Para- guay, qui a eu assez de son Rosas á lui, du docteur Francia, et qui tient á rester indépendant et libre? Comment fera-t-il agréer ses prétentions á la Bolivie, le berceau de l'indépendance américaine, contre la- (I) Voici ce qu'on lit á propos de la mort d'Encarnation dans l'excellent ouvrage publié par M. Alfred de Brossard, sous le titre de Considérations historiques et politiques sur les républiques de la Plata : «II n'est que » trop certain que Rosas a abrégé les jours d'Encarnation par des mauvais » traitements. On cite a ce sujet des détails trop hideux pour étre erus » sans examen, et le moins hideux de tous ne serait pas le refus qu'il » lui aurait fait d'un prétre á ses derniers moments. En vain sa filie » Manuelita le lui aurait demandé á genoux, il aurait répondu : Non, » tous ees prétres sont des bavards, et Enearnation sait trop de chose* » de la fédération, qu'il ne faul pas qu'ils puissent re'péter. Quand eüt » sera morte, nous ferons venir un prétre , nous dirons qu'elle s'est con. » fessée et tout i.e mojiue le croira , car je l'aurai dit. » — il en aurait trouvé quelques-unes qui viennent d'ttre publiées , et qui sont la confirmation de tout ce que je dis ici. » Si l'Assemblée me le permet, je vais lui faire une ou deux citations qui mettront dans tout son jour la vérité de ce que ] avance. Et qui est-ce qui aécrit ees dépéches ? Le represen- ten! de la République au Brésil, qui, dans le va-et-vient de "os agents diplomatiques, a été récemment rappelé. Cet agent, quelles étaient la nature et la disposition de son esprit? Etait-ce un perturbateur ? Non; peu de temps aprés son arri-— 16 vi-e, api es avoir passé quelque temps au Brétil, il dédan i son gouvemement que ce n'est pas sur l'opposition au lírésil qu'il faut s'appuyer, mais sur le gouvemement; que c'cstle gouvcrncrncnt scul qui défend Jes intéréts i'ranpais. Voihi la nature de Pesprit et I'opinion de cet agent. Permettez-moi de vous citer deux mots qui vous le prouvent : « La leeon ne peut pas étrc perdiie pour nous; il cstnaturel » d'induire de ce qui s'cst passé que c'est a l'ordre établi, au » pouvoir, que nous devons ici nous attacher. » » Vous voyez quelle est la disposition d'esprit de cetagent; ce n'est pas un brouillon. » Maintcnant, a peine est-il a Rio-Janeiro, et non pas á Montevideo, rcmarquez-le bien, si ce que je vais lire avait été écrit á Montevideo, je comprendrais que cela fút suspect; ú Montevideo, on peut contracter des passions : mais au Brésil, a Rio-Janeiro, notre agent n'a pu se remplir l'esprit que des idees du Brésil : eh bien! voici ce qu'il dit; il exposc tout au long que le Brésil est menacé, que l'indépendancc du Paraguay lui est nécessaire, que l'indépendance de Montevi- deo lui est nécessaire. Je vous prie de me permettre de vous lire une demi-pagc qui va vous faire connaitre son opinión , et vous verrez si c'est nous qui avons inventé le grand intcrfl que nous avons au Brésil, par rapport aux affaires de la Plata. »II dit ceci, et je prie l'Assemblée de vouloir bien écouter ce passagc, qui est décisif dans la question : « Les affaires de la Plata, au point oú la France y est en- gagée, ne peuvent qu'influer puissamment dans leur solu- tion sur ses relations actuelles avec toute l'Amérique du sud. particuliérement avec le Brésil, et c'est á ce titre que je me. permets d'y revenir comme a un sujet digne de toute votrc attention. L'état de semi-abandon dans lequel nous laissons ees affaires depuis longtemps n'est plus tenable. Les livrei " elles-mémes serait donner gain de cause aux tendances anti- curopéennes contre lesquelles nous luttons depuis si long- — 17 — temps, et nous déconsidérerait outre mesure chez les peuple» de l'Amérique du Sud. On connait assez la hauteur avec la- quelle le gouvernement argentin traite les étrangers. Que pourra-t-il craindre a l'avenir si l'Angleterre et la France . au moment oú tout favorise leur intervention, oú tout la leur commande, viennent á s'abstenir ? L'impunité comme assurée d'avance a toutes les avanies... (il dit la France et l'Angleterre, parce qu'á cette époque elles étaient en commun dans la négociation,) nos positions perdues , nos amis écrasés, notre dépopularisation en Amérique con- sommée, nos efforts, par conséquent, désormais sans bons resultáis possibles; nous n'aurons plus qu'a nous teñir tran- quilles pour longtemps. Aujourd'hui , nous avons encoré des amis dans l'Amérique du sud, nous avons en notre faveur une ville qui résiste depuis plusieurs années et qui, bien qu'aux abois, retrouvera toute sa forcé du moment qu'elle aura foi en nous. Le Paraguay nous appelle et le Brésil ne pounait que nous savoir gré d'une entreprise faite pour le préserver de catastrophes immenses. » « Un membre. Quel est l'agent qui a dit cela ? » • M Thiers. C'est un agent ofiicicl. » « M. de Morny. Qui est-il ? » « M. Thiers. On demande quel est l'agent dont je viens de citer une dépéche. C'est M. Eugéne Guillemot, ancien mi- nistre au Brésil, qui ne Test plus, qui a demandé pour un ouvrage sur l'Amérique la permission de publier quelques fragments de dépeches qu'on vient d'imprimer ü París. lis sont ofliciels, ils sont dans la correspondance des affaires ¿trangéres, datés de 1848. »M. Guillemot explique ensuite comment on comprend, en Amérique, que l'Angleterre n'agisse pas. II dit tout au long, ]e ne veux pas le citer textuellement pour ne pas vous fati- guer. » «On comprend bien au Brésil pourquoi l'Angleterre n'agit pas, parce qu'elle a d'autres intéréts que la France ; mais 2— 18 — pour la France, on n'interprétc son inaction que d'une ma- niere facheuse; la déconsidération gagne notre gouverne- ment. » « Voilá ce qu'il dit tout au long; puis il parle du traité, et quoique je ne veuille pas fatiguer votre attention, je vous demande la permission de vous lire ici encoré une phrase, une scule : « Une lutte flagrante est engagée actuellement dans la Plata entre les deux principes, l'un qui est favorable á IV grégation européenne, l'autre qui lui est contraire. Si le dernier triomphe, nous finirons infailliblement par Toir tomber notre traité avec le Brésil, et, á sa place, surgir peut- étre une guerre, conséquence de la rupture de ce traite, guerre qui serait indispensable a notre honneur et a nos intéréts, mais qui compromettra tous nos établissements. » » Ces citations sont textuelles, messieurs, et ce n'est pas nous qui avons í'ait écrire ces lettres a M. Eugéne Guille- mot. Elles ont été écrites a llio-Janeiro, sous l'empire des idees et des intéréts du Brésil, et non pas á Montevideo, oú leur auteur aurait pu Clre placé sous l'influence des passions locales. » Ainsi, messieurs, j'aífirme que la situation reste celle-ci: Quelle que soit la conduite que vous teniez, l'idée de votre puissance aíl'aiblie dans toule FAmérique du Sud, oú vous aves de grands et immenses intéréts commerciaux, tous tus intéréts d'avenir, d'avenir maritime; une colonie qui était toute franoais, qui reste francaise, dont quelques membres, sous l'empire de la misére, se sont déplacés un moment, mais qui reviendront a Montevideo, parce que la sont les in- téréts qui les appellent; une colonie qui vous est indispen- sable pour pouvoir naviguer dans la Plata ; une colonie dont la chute expose le Brésil á des dangers trés-grands. Voilá des intéréts certains. » Cet exposé si ingénieux a la fois et si sensé, ees tations si nettes et si concluantes de dépéches émanées d'un agent trancáis, dont on pouvait critiquer l'ori- gine, mais dont la sagacité se révélait d'une maniere incontestable par ses écrits mémes, tout, dans cette partie du discours de M. Thiers, était de nature á éveiller la sollicitude de l'assemblée sur les grands intéréts que la ratification des traités Le Prédour allait rnettre en péril. Aussi le ministére ne voulut-il pas rester sous le coup de cette brillante parole qui venait démasquer le cóté le plus vulnérable de sa po- litique dans la Plata, et le ministre de la justice, M. Rouher, répondit en ces termes aux arguments de M. Thiers : « On nous a parlé du Brésil; on a dit : » Mais le Brésil est intéressé á cela. II y a une question d'influence poli- tique; vous compromettez le Brésil et notre commerce in- ternational dans le Brésil. Vous faites done une chose mau- vaise. » » Messieurs, l'intérét du Brésil est dans l'indépendance de la République oriéntale. Cette question d'indépendance, nous nela désertons pas, nous ne voulons pas la déserter, et nous n'examinons pas en ce moment si, oui ou non, le traité la maintient suffisamment. Mais le Brésil, est-ce bien sérieuse- ment que vous le dites compromis? Est-ce que vous croyez que le gouvernement de Rosas n'a pas, dans la confédération argentine méme, des obligations et des devoirs assez impé- rieux pour le maintenir dans les limites naturelles de ses États ? Et je ne vous apprendrai ríen de nouveau quand je vous di- fai que le gouvernement de Rosas a á surveiller le général Urquiza, qui tend á constituir un État indépendant, et il est assez jaloux de cette situation nouvelle pour ne pas aller faire la guerre auloin. II ne faut pas oublier,d'ailleurs, qu'il y a le— 20 — Paraguay et la République oriéntale entre le Brésil et la conté- tlération argentine. Or vous oroyez qu'avec cette infanterie, qui aété représentée par M. Thiers lui-meme comme étant si faible et si impuissante, llosas voudra conquerir le Brésil... ? (Agitation.) » Je reprends ma phrase. L'honorable M. Thiers a dit: L'indépendance de notre commerce avec le Brésil est com- promise. Pourquoi? Parce que, dans la pensée de ce grand politique Rosas, il y a la volonté de franchir la bande orién- tale et de compromettre le Brésil dans son existence. (Mouve- ment.) Si j'ai mal compris M. Thiers, je le veux bien, mais je l'ai ainsi entendu. Je dis que le Brésil n'est pas compromis dans son indépendance; que d'abord vous prétez a cet Etat un sentiment contre lequel il proteste par l'organe de son am- bassadcur, qui a autorisé la lecture du mémorandum á cette tribune. » Puis, cela est-il admissible avec votre argumentation, qui consiste á représenter Rosas comme n'ayant qu'une infan- terie faible , incapable d'opposer une résistance sérieuse, lorsqu'il aurait a traverser non-seulement la bande orién- tale, mais encoré le Paraguay, pour porter la guerreda nsle Brésil? » Mais on dit: On ferala guerre de propagando. Messieurs, si nous voulons accepter pour un intérét national, non pas un intérfit défini,mais toutes les hypothéses, toutes les aventures qu'un esprit fertile peut rencontrer, nous ne ferons que de la politique d'avenir, nous oublierons la politique présente, q«¡ a un bien autreintérét...» Je borne la mes citations, et je résume ainsi ees pré- cédents de la question de la Plata : Tout le monde se tenait dans les hypothéses. Les adversaires des traités Le Prédour soutenaient que la ratification de ees traités serait dommageable — 21 — poiir le Brésil exposé á une rupture avec Rosas, dom- mageable par conséquent pour la France, qui a le plus grand intérét commercial et politique á ménager le Brésil. Le gouvernement francais et les partisansdes traités ne niaient pas qu'il ne füt nécessaire de bien agir avec le Brésil et de sauvegarder ainsi nos rapports com- merciaux bien autrement importants que ceux que Rosas compromet dans la Plata; seulement ils se por- taient en quelque sorte cautions du dictateur argentin, et ils niaient que Rosas püt jamáis mettre en péril l'intérét du Brésil et l'indépendance de la République oriéntale. L'argument géographique abondait, comme on vient de le voir, dans le discours du ministre de la justice. Enfin le Brésil lui-méme, par l'organe de son agent a París, se maintenait soigneusement dans le systéme de neutralité qu'il pratiquait avec tant de scrupule sur le théátre méme de la lutte. Interrogé sur ce qu'il avait á appréhender, il se bornait á diré qu'il n'avait donné á Rosas aucun prétexte de mal agir, et qu'il était assez fort pour ne rien craindre de ses entre- prises. J'ajouterai, pour rester autant que possible histo- rien complet et fidéle de cette phase de l'affaire, que •'opinión publique k Rio-Janeiro était en parlaite con- formité de sentiments avec la légation impériale. La presse brésilienne notamment n'exprimait, á l'endroit de Rosas, aucune espéce de crainte, et l'orgueil de I américanisme témoignait méme quelque impatienco— -22 — de cette longue intrusión d'une puissance européenne dans les démélés sud-américains. Nous allons voir ce qui est arrivé de ees prévisions contradictoires. J'ai raconté les hypothéses, j'arrive aux faits. - 23 — t II NÉGOCIATIONS SUIVIES A RIO. RUPTURE DIPLOM ATIQUE. Rosas a une singuliére diplomatie, et nos agents doivent en savoir quelque chose. Je viens de relire, pour les résumer au public francais, les documents qui ont été imprimés á Rio-Janeiro, et qui donnent tous les détails de la longue négociation suivie par le ministre argentin, le général Thomas Guido, auprés du gouvernement impérial, et je suis confondu de l'au- dacieuse ténacité avec laquelle l'agent de Rosas main- tient, contre la plus palpable évidence, ce qu'il a une fois avancé. C'est á lasser la patience de l'homme le plus flegmatique et á donner des envíes folies de met- trele négociateurá la porte par les épaules. On a parlé souvent, a propos, il est vrai, de diplomates d'une au- tre trempe, des abus de la forcé qui sont assurément fortcondamnables; il y a un genre d'abus qui est peut- étre plus intolérable encoré, c'est l'abus de la fai- Messe. Chez Rosas, cet abus va jusqu'aux derniéres limites de l'impertinence, et la chronique de Buenos-— 24 — Ayres abonde en récits de mystiíications dont les vio- times, hauts diplomates d'Angleterre ou de France, ont eu le bon goüt de ne pas se plaindre, pour ne pas faire rire k leurs dépens. A Rio, Rosas n'était pas chez lui, et l'insolence par voie de facétie ne lui était pas permise. II fallait pro- céder autrement et fatiguer, par des moyens moins ouvertement discourtois, la longanimité du gouverne- ment impérial. C'est á ce travail que s'est appliquée, surtout pendant les neuf premiers mois de l'année der- niére, l'habileté procéduriére de Rosas et de son mi- nistre Arana. Je laisse de cóté, dans le reproche que je formule , le général Guido , qui ne faisait qu'obéir k ses instructions et qui, résidant depuis longues an- nées a Rio, y jouissait de l'estime universelle. Si je ne craignais méme de compromettre M. Guido, qui a déjá été recu á Buenos-Ayres avec un éclat de tendresse de fort mauvais augure, j'ajouterais volontiers qu'il gémissait en secret du role auquel il était condamné, role qui l'obligeait á ne rien voir de ce qu'on lui mon- trait, k ne rien comprendre de ce qu'on lui disait. Le procede de la diplomatie argentine est d'ailleurs fort simple, et j'en explique ici le secret, non pas pour nos diplomates qui ne l'ont que trop appréciée, mais pour d'autres moins éprouvés, qui voudraient savoir comment on s'y prend quand on est á bout d'argu- ments et qu'on veut discuter toujours sans jamáis en- tendre raison. II y a dans le monde de detestables causeurs qui s'écoutent parler sans permettre qu'unc seule observation brise le fil de leur discours; il y a, — 25 — í;u palais, quelques vieux restes de ees procureurs de I'ancien régime, qui auraient épuisé tout le répertoire de la chicane pour prouver qu'il fait nuit en plein midi; ees causeurs et ees procureurs donnent assez l'idée des diplomates dressés par Rosas. Leurs dépéches sont ou un perpétuel monologue, ou bien une série d'em- büches tendues a la loyauté de leurs contradicteurs. Avec eux, jamáis une question n'est finie : elle est tournée et retournée en tous sens, et quand il n'y a plus rien á en tirer, on recommence comme si rien n'était, pour arracher s'il se peut quelque concession á l'impatiente lassitude des adversaires. On ressasse ¡ncessamment les vieilles dépéches, on les brouille, on les confond, pour leur faire diré ce qu'elles ne disent pas. Jamáis on ne céde un pouce de terrain; on tient pour admis ce qui est contesté, pour avoué ce qui est nié, et on va toujours de l'avant. G'est de la mauvaise foi flagrante, et il parait qu'á Buenos-A.yres ce systéme réussit assez. A Rio, cependant, la ma- noeuvre a échoué, et cela prouve que l'agent da Rosas a eu aífaire k des hommes d'État trés-modérés, trés- patients, sans doute, mais trés-clairvoyants et trés- fermes; car Thomas Guido était, á en juger par ses dépéches, un bien autre homme qu'Arana. Les papiers de la négociation suivie k Rio sur les affaires de la Plata, et qui ont été distribués aux cham- bres brésiliennes, remontent á 1847, et déjá k cette époque le systéme des vieilles querelles, si cher á Kosas, était docilement appliqué par son agent. Les griefs formulés par le général Guido remontaient á— 26 — trois, quatre et cinq ans, et ne croyez pas qu'il en füt alors question pour en finir une fois pour toutes. C'était bien la ce que demandait, avec une loyauté désolée, le gouvernement brésilien: mais Rosas n'en- tend jamáis de cette oreille-lá. Tout aigrir et ne rien finir, voila sa tactique; et plus les démélés vieillissent, mieux ils lui conviennent, parce qu'il est plus facile de les embrouiller. Done M. Guido a traíné jusqu'au bout le fardeau de ses réclamations surannées, qui dispa- raissent á peine dans les deux ou trois derniéres dé- péches, et auxquelles l'angélique patience du ministre actuel des affaires étrangéres au Brésil, M. Paulino de Souza, a dü faire les réponses trente fois faites par ses prédécesseurs. Je ne reléverai qu'un article dans ce vieux compte diplomatique, qui n'a pas eu une influence directe sur la rupture. En 1843, le ministre du Brésil á Buenos-Ayres, M. Duarte da Ponte Ribeiro , s'était refusé á reconnaítre le blocus mis par le gouvernement argentin sur le port de Montevideo, avant d'en avoir référé au gouvernement imperial. Ce refus avait motivé une note de M. Arana, dans laquelle le ministre bré- silien était qualifié de slupide. C'était assurément la une injure grave et sans excuse. Eh bien! que suppose- t-on qu'il est arrivé ? Que le Brésil a exigé une répa- ration ? Pas le moins du monde : le gouvernement de Rio, dominé par le désir de vivre en bonne intelli- gence avec un État voisin, désapprouve son agent et le rappelle. Bosas doit étre satisfait, n'est-ce pas? Eh bien, non! Bosas se plaint violemment. Le ministre brésilien a répondu en termes vifs á Arana qui Pin- sultait avec toute la grossiéreté d'un gancho, et Bosas exige une réparation. Ce qu'il a été dépensé d'enere pour cette grotesque demande est incroyable. Cela date de 1843, cela se retrouve dans la premiére des dépéches publiées et qui est a la date du 18 décembre 1847, et cela revient dans toutes les dépéches qui sui- vent jusques et y compris celle du 8 mai 1850, oü M. Paulino de Souza, á bout de patience, déclare une derniére fois au général Guido qu'il n'obtiendra rien. Le Brésil cependant avait fait toutes les concessions possibles, méme en supposant des torts réciproques. II avait demandé que les deux dépéches fussent sup- primées et comme non avenues. Bosas, qui veut tou- jours autre chose que ce qu'on lui offre, avait refusé, en prétextant la publicité donnée á Paflaire dans sa chambre des représentants. II avait indiqué une autre formule de solution : Paflaire aurait été cióse par une déclaration portant qu'elle était ensevelie dans un oubli perpétuel et volontaire. Le Brésil adhérait á cette dé- claration. Mais tout étonné d'étre une fois tombé d'ac- cord avec quelqu'un, Bosas revient bien vite sur sa propre formule : il ne veut plus pour son compte dé- clarer qu'une chose, c'est qu'il couvre cette affaire d'un oubli généreux. M. Paulino de Souza repousse alors du pied la générosité de Bosas, et signifie qu'il ne veut plus entendre parler de ce grief. M. Guido se l'est tenu pour dit. Je cite ce fait entre cinq ou six autres, pour bien faire comprendre sur quelles pointes d'aiguilles Bosas- 28 — asseoit ses négociations, et quelle étoffe de procureur manqué il y a dans le farouche despote de la Plata. Mais je me háte d'arriver aux démélés diplomatiques qui ont amené la rupture. Je suis convaincu que la rupture a été préméditée: l'étude attentive des documents et le rapprochement des dates m'ont démontré qu'á mesure que les difle- rends avec la France étaient en voie de s'aplanir, Rosas devenait plus rogue et plus violent vis-á-vis du gou- vernement impérial; de telle sorte qu'au moment méme oü on apprenait a Rio que les nouvelles con- ventions avec l'amiral Le Prédour venaient d'étre si- gnées, M. Thomas Guido avait amené sa polémiqueá ce point qu'il n'avait plus qu'a demander ses passe- ports. Dans ses premieres dépéches, M. Guido parle pour parler; dans les derniéres, il parle pour rompre. 11 y a méme , dans quelques dépéches , l'indication de cette tactique que la clairvoyante loyauté de M. Paulino de Souza avait devinée. II y a dans la rupture et dans les faits qui l'ont pro- voquée une particularité trés-singuliére , c'est qu'elle n'est venue d'aucun grief propre á Rosas et au gou- vernement argentin. Autre bizarrerie encoré : le gé- néral Guido n'avait pas qualité pour traiter auprés du gouvernement de Rio les questions qui ont servi de prétexte á la demande de passe-ports. Ces deux points sont incontestables, et sans qu'il soit nécessaire d'entrer ici dans les détails de la dis- cussion savante á laquelle le ministre de Sa Majesle Jtnpériále a dü se livrer pour débrouiller la vérité de* — 29 — sophismes oü l'enveloppait la légation argentine, il me suffira de préciser les faits pour que la conscience du public trancáis soit complétement édifiée. Le gouvernement brésilien n'a jamáis reconnu Oribe comme président legal de la Iiépublique oriéntale. Sur ce point, sa politique a été invariable, et les lamenta- tions incessantes des dépéches de M. Guido l'attestent i chaqué ligne. Oribe n'a jamáis été pour le cabinet de Rio que le general de Carmée argentine faisant, á tort ou á raison, la guerre au gouvernement de Montevideo. D'un autre cóté, M. Guido n'était accrédité á Rio qu'en qualité de représentant de la confédération ar- gentine. Or voici quels étaient les faits qui motivaient les ré- clamations de M. Guido. Un ancien officier de l'armée brésilienne, le barón deJacuhy, était possesseur de domaines considérables dans la bande oriéntale qui, sur la frontiére limitrophe & la province de Rio-Grande, n'est presque habitée que par des sujets du Brésil. A la suite d'intolérables exactions des agents d'Oribe, sur le compte desquelles je reviendrai tout á l'heure, le barón de Jacuhy, as- esté d'un certain nombre de ses compatriotes, vic- times comme lui de ces exactions, avait tenté diverses excursions sur le territoire oriental, dans le but unique de ressaisir une partie du bétail qu'on lui avait volé. C'était un acte de représailles condamnable aux yeux du droit des gens et que je ne justifie en aucune fa?on, pas plus que ne l'a excusé et justifié le— 30 — gouvernement brésilien; mais ce n'est pas la la ques- tion. Qui était en droit de se plaindre des invasions du barón de Jacuhy? Était-ce le gouvernement argentin? Non assurément, car les faits incriminés ne s'étaient pas passés sur son territoire. Rosas le reconnaissait lui-méme : il ne se plaignait pas d'abord, méme a titre debelligérant, il entendait seulement réclamer comme allié d'Oribe. Mais, disait-on á Rio, qu'est-ce que cette alliance que vous n'avez jamáis définie? Une alliance entre un gouvernement et son général! mais celane s'est jamáis vu. Évidemment cette maniére de poser la question recelait un piége. On voulait amener le gouvernement du Brésil á reconnaítre implicitement le prétendu pié- sident légal de la République de 1'Uruguay. Quant á M. Guido, quel titre avait-il pour réclamer des que Rosas s'effacait devant Oribe? Aucun, puis- qu'il n'avait autorité que pour parler au nom du gou- vernement argentin. II avait fini par le comprendre, car, par une dépéche du 28 juin, il communiquait a M. Paulino de Souza les pouvoirs spéciaux que luí transmettait Oribe. Mais pour accréditer un agent, il faut étre un gouvernement, et on persistait trés-ferme- ment a Rio á ne voir dans Oribe que le général en chef de l'armée argentine. Telle était la nature de l'affaire sur laquelle une rupture allait survenir entre la confédération argentine et le Brésil. II est clair comme le jour qu'une telle — 31 — question n'intéressait qu'Oribe et la République orién- tale dont le territoire avait été violé. Cependant le ministre brésilien, M. Paulino de Souza, tout en niant formellement le droit de la léga- tion argentine, n'a pas hésité á donner á M. Guido des explications catégoriques sur le fond méme de raffaire. Dans diverses dépéches, notammeut dans celle du U septembre 1850, il blámait expressément l'acte reproché au barón de Jacuhy, et annoncait que son gouvernement avait pris des mesures eííicaces pour faire désarmer et interner les Brésiliens rassem- blés á la frontiére. 11 ajoutait trés-dignement qu'il tenait cette réparation pour suffisante, et qu'il ne con- sentirait pas á faire emprisonner des gens abominable- ment spoliés, et qui n'avaient eu que le tort de se faire justice eux-mémes. II invitait d'ailleursM. Guido á réclamer d'Oribe des mesures de justice qui, en restituant á la propriété ses droits sacrés, calmeraient facilement l'irritation causée par un odieux systéme de vol et de pillage. Dans cette dépéche du k septembre se trouve un passage trés-curieux, et qui prouve que M. Paulino de Souza devinait la secrete pensée de Rosas et de son agent. Aprés avoir rappelé que le barón de Jacuhy avait exécuté trois invasions dont on ne s'était pas P'aint, tandis qu'on faisait un bruit énorme de la qua- triéme, M. Paulino continué en ees termes : « Si les trois premiéres apparitions du barón Jacuhy étaient • invasions, pourquoi M. Guido ne s'est-il pas plaint,— 32 — ayant le droit de le taire ? Si elles l'étaient. et si M. Guido m s'en est pas plaint, pourquoi, se plaignanl de la quatriéme, le fait-il, en dcmandant sur-le-champ des satisfactions so- Iennelles, et ajoutant que si ees satisfactions ne sont p3s données, la légation argentine se retirera de cette cour?La circonstance que la quatriéme excursión du barón de Jacuhv a été faite avee plus de monde, change-t-elle si extraordi- nairement la nature du fait?Pour les trois premieres, le general Oribe s'était contenté de séquestrer la propriété du barón et d'arréter son admiriistrateur. Pour la quatriéme, on invoque une alliance, et, en son nom, on exige une satis- faction solennelle : on declare que si elle est refusée, la léga- tion argentine se retirera : tout cela aprés que le gouverne- ment imperial a pris les mesures les plus positives et les plus efficaces pour obtenir, comme il l'a obtenu, le désarmemeni et la dispersión des forces du barón Jaculiy. » Le fait que la convention Southern ait été conclue et ra- ti fié e, et que la France se soit prétée á de nouvelles négociatioK pour le retrait de son intervention, ne pouvait certainerntnt contribuer á ce que des actes qui n'ont pas excité de réclamo- íions prissent, en seprésentant pour la quatriéme fois, un ce- ractére différent et si exlraordinaire. » L'ironie si fine de ce passage a dü faire comprendí* á M. Guido que les combinaisons astucieuses de Rosas étaient percées á jour, et qu'il n'était plus désormais possible de masquer une rupture des longtemps pré- méditée. Rosas venait de terminer ses démélés avec l'Europe, le moment était venu pour lui de brouiller les cartes en Amérique. On savait cela á Rio, et on ■ donnait au moins le plaisir d'apprendre au ministre argentin qu'il n'avait trompé personne. Le débat diplomatique ne pouvait se prolongó — 35 — Le 23 septembre, le général Thomas Guido demanda son passe-port. M. Paulino de Souza le lui adressa par une dépéche du 30 septembre, oü toute l'affaire se trouve vigou- reusement résumée, et la mauvaise foi de Rosas mise en singulier relief. Voici les principaux extraits de cette note, qui donnera une idée fort nette de la pa- tiente fermeté dont le gouvernement de Rio a dü faire preuve pour sortir á son honneur de ce défilé de piéges et d'insolences oü s'était embusquée la diplo- matie argentine. « Rio de Janeiro, ministére des a (Taires étrangéres, ce 30 septembre 1850. « Le soussigné , membre du conseil de S. M. l'empereur, sénateur de l'cmpire, ministre et secré'taire d'État des affaires étrangéres, a l'honneur de remettre ;i M. D. Thomas Guido, envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de la con- Kdération argentine, le passe-port qu'il demande dans sa note datée du a3 septembre courant, 1 aquello n'a été remise au soussigné que le 25. » Tout en satisfaisant a la demande de M. Guido, annoncée déjá dans sa note du i6juin dernier, le soussigné, dans Pin- terét de la vérité et de la justice, croit devoir accompagner cetenvoi de courtes observations sur quelques-uns des points 'le la derniére note. • M. Guido y allégue que le soussigné a place laquestion sur m terrain complétement nouveau, en dehors des ordres for- méis á lui transmis par son gouvernement, et concluí en de- mandan! son passe-port. » C'est la, en vérité, un singulier moyen d'éviter et de tran- fher toute discussion sur une question si importante et dont— 34 l'élucidation est de la plus hautc gravité pour la paix, la tranquillitéet l'avc nirduRio déla Plata. » Siles faits surlesquels lesoussigné a appclé la discussion, et le cóté par lcquel il a envisagé la qtiestion sont nouvcaux, et si enfin ricn de cela n'est prévu dans les instructions données áM. Guido, comment M. Guido repousse-t-il la solution que cette discussion pourrait amener, et cela en vertu d'ordrcs (jui ne l'ont ni nepouvaient l'avoir en vue? » Est-ce parce que la légation argentino veut rester fidéle, jusqu'á la fin, au systéme qu'ellc ainvariablcmentsuivi, c'est- á-dirc d'cxiger toujonrs sans jamáis i'aire la moindre conces- sion, de n'admettre jamáis que ce que d'abord elle a exigé, et encoré d'aprés la forme et la maniere arrétées parelle? » Alais le champ sur lequel le soussigné a appelé la discus- sion n'est pas nouveau; il a été bien des fois parcouru. Au- cune des questions qu'il souléve n'est nouvelle. » Le systéme de la légation argentino a été de cherchera résoudre cliacunc des questions pendantes entre le Brésil et le gouvernement argentin, memeccllesd'unintérét secondaire, séparément et toujours de la maniere qu'elle veut imposer. Elle a cherché á les résoudre sans remonter á leur cause et á leur source, sans jamáis convenir de les supprimer ou de les modifier, afin de rétablir des garanties de paix et de tranquil- lité pour l'avenir. [.. » Le gouvernement impérial, au contraire, désirant éclair- cir á la fois toutes ees questions, éviter leur retour, rendre eftective la convention préliminaire de paix du 27 aoüt 1828 et Pindépendance de la République oriéntale de l'Uruguay, a entendu et entcnd, et le soussigné l'a démontré bien des tois a M. Guido, qu'il convenait de considérer le sujet en grand, de mettre de cóté toutes questions anciennes et déjá débattues, etqui, pour l'avenir, ne pourraient avoir aucunc influence, si leurs causes et les diflicullés de la situation actuelle fran- chement examinées, elles étaient écartées par un accord franc, sincéreet loyal qui embrassAt toutes les conditions nécessaires — 35 — pour signer á la fois la tranquillité du llio de la Plata, et, par conséquent, celle de la province de Rio-Grande du Sud. » La légation argentine ne s'est jamáis prétée á ce mode de discussion; elle a toujours exigé que chacune des nom- breusesplaintes que son gouvernement a soulevées contre le Brésil fút séparément résoluede la maniere par lui formulée. » Et non content de cela, il a pris pour son compte les ques- tions du Brésil avec le général Oribe. » D'aprés les renseignements que le soussigné a exigés et íecusdu président de la province de Rio-Grande du Sud, il appert : » Que sur la frontiére du Chuhy et de Saint-Michel il existe trente-six habitations appartcnant a des Brésiliens et d'une étendue de 342 lieues carrées, selon les renseignements. » Sur ees habitations, 33 comprenant 297 lieues carrées, 421,000 tetes de gros hétail, i6,g5o chevaux et 49 esclaves, sont mises en embargo parle général Oribe. » Que sur la frontiére du Quarahim, il existe 161 habita- tions appartenant á des Brésiliens, et d'une étendue de 38i lieues carrées. » Sur ees habitations, 53 comprenant 141 lieues carrées et i3G,ooo tetes de gros bétail, sont mises en embargo par ordre du général Oribe, et 39 comprenant 84>ooo tetes de gros bé- tail, sont abandonnées par leurs possesseurs, que des persécu- tions ont forcésde fuir. » Qu'au sud du Arapehy il existe 77 habitations apparte- nant ú. des Brésiliens, et d'une étendue de 227 lieues carrées. » Sur ees habitations, 6 comprenant 44 lieues et 37,000 •étes de gros bétail, sont mises en embargo par ordre du gé- néral Oribe, et 4° comprenant 111 lieues et i36,ooo tetes de gros bétail, sont abandonnées. » Sur les frontiéres de Jaguaran et Bagé, 9 habitations sont mises en embargo et 8 abandonnées. Les renseignements ne donnent pas le chiffre de bétail. » En i843, le général Oribe- prohiba les travaux desehamps, el forca tous les habitants ruraux de la bande orién- tale de se reunir a Parmée sous son commandement, ou dése retirer dans les centres de population occupés par ses troupes, et lorsque, en 1847, Lamas et d'autres ofliciers appelérem Ies Brésiliens pourqu'ils allassent repeupler leurs demeures. ceux-ci les trouvérent entiérement détruites, et leurs bestiaui enlevés. Rien n'cst changó aujourd'hui á cet état de choses. » En somme, le general Oribe a envahi leur pays avec une armée argcntine de plus de 12,000 hommes, ctdepuisseptans cette armée s'alimente du bétail des habitations brésiliennes, avec leschevauxdesquelles elle se remonte, dont elle mange les bceufs, dont elle vend les cuirs, sans donncr aucunc indem- nité, ees violences étant en outre accompagnées de l'exigence des plus lourds tributs. » Une grande quantité de Brésiliens, ainsi dépouillés, se sont réfugiés dans la province de Rio-Grande du Sud, réduits au désespoir et a lamisére. » De la sont provenues les incursions du barón de Jacuhy. » Au sujet de la derniere seulement, legouvernement argen- tin et le général Oribe ont demandé une satisfaction solen- nelle, c'est-á-dire ils ont exigé que le gouvernement imperial, qui par des considérations non appréciées n'a pas pris ees Brésiliens sous sa protection, les poursuivit et les mit en prison, traquant jusque dans leur demeure ceux qui y étaient venus chercher un refuge contre la persécution étran- gére, sans avoir obtenu, aumoins par compensation, aucun soulagement á leurs maux. » Le gouvernement impérial n'a pas approuvé la conduite du barón de Jacuhy et des Brésiliens qui l'accompagnérent. auxquels il n'appartenait pas de reprendre par leurs maii» les propriétés dont ils avaient été dépossédés. II a done envoyé des ordres pour qu'ils fussenl dispersés et désarmés. Alais aucune considération ne peut le porter á poursuivre des hommes qui ont souffcrt tant de spoliations et de violences. surtout quand les auteurs de ees spoliations et de ees vio- lences n'oiit jamáis voulu se préter á aucUD arrangement qui donnAt quelque garantie pour l'avenir. Et ü cet égard voici (C que disait le soussigné ¡1 M. Guido dans sa notedu 8 mars de cette année : ■ Des procédés semblablcs a ceux du barón de Jacuhy ne peuvent étre évités que par des mesures prises en méme tempsparle général Oribe et par le gouvernement impérial: » Par le général Oribe, en prenant en considération les réclamations qui ont été faites et les vexations et les vio- lences souffertes par les Brésiliens dans la bande oriéntale, ou du moins en leur permettant de se retirer avec leurs bes- tiaux dans d'autres propriétés. La cause ainsi détruite , Ies ef- fets cesseraient naturcllement. » » A ees propositions si justes, si modérées et si raisonnables, le général Oribe a répondu, le 12 juin dernier, au chargé d'affaires du Brésil a Montevideo, qu'il ne prendrait a ce sujet aucune observation en considération, tant que le gouverneur dcBuenos-Ayres et lui n'auraient pas obtenu les satisfactions exigées. A cette note le chargé d'affaires répliqua par une aulrc, dont la réponse n'est pas encoré venue a la connais- sance du soussigné, si touteíbis elle a été faite. » Cependant, le gouvernement argentin était intervenu dans la question et se l'était appropriée. Ce n'était pas lui qui avait donné les ordres qui sont cause de tant de compli- cations et d'embarras, ce n'était pas lui ü qui il appartenait (car il reconnait le général Oribe comme président de la Ré- publique de l'Uruguay) de révoquer ou de modifíer ees or- dres, et pourtant c'est lui qui se présente en face du Brésil pour en exiger des satisfactions, sans vouloir, et méme sans pouvoir (puisqu'il reconnait le général Oribe comme prési- dent de la République oriéntale) faire aucune concession, ni entrer en arrangement d'une maniere juste et raisonnable. Et il se présente en se fondant sur un droit d'alliance ! » Le gouvernement impérial veut discuter ce titre, peser la portée qu'il peut avoir dans l'avenir sur l'indépendance de la— :tK — bande oricnlalc; il prouvo, au moins par ce qui est connu, qu0 le gouvernement argentin n'est pas eompétent pour intervenir et considérer comme sienne cette question; et M. Guido répond en demandant ses passc-ports, parce que ce terrainest nouveau, parce qu'il est étrangcr ala nature spécialede sade- mande, et parce qu'il estén dehorsdes ordres forméis qui luiont été donnés !... Le soussigné conclut de lá que M. Guido a recu des ordres pour imposer, etnon pour admettrela discussion. » ... Le soussigné ne répétera pas ce qu'il a dit dans sa note antérieure relativement á l'alliance alléguée entre le général Oribe et le gouvcrneur de Buenos-Ayres. Les notions qu'cn donne M. Guido ne la tirent pas des ténébres au milieu dcs- quelles elle s'est produite, et dont il conviendrait tant qu'elle sortit. Plus M. Guido cherche á expliquer cette alliance, plus il s'embrouille. » II dit maintenant que c'est une alliance fortuito, inévi- table, nécessaire, et circonscrite uniquement et exclusive- ment á la guerre des Républiqucs de la Plata contre un cn- nemi commun. » Le Brésil un ennemi commun ! Certes, il n'a jamáis été reconnu ni declaré comme tel. Si ce n'est pas un ennemi commun, si l'aUiance a lieu contre l'ennemi commun, si le Brésil est resté neutre dans la question de Rio de la Plata, comment veut-on appliquer a une des nombreuses incursions qui ont été fréquentes sur la frontiére, laquelle n'a encoré aucun caractére politique, et que le gouvernement imperial a fait cesser, des droits que peut donner une alliance faite contre un ennemi commun ? « Les gouvernements de Rio déla Plata, ajoute M. Guido, » c'est-á-dire le général Oribe, et le gouvernement argentin, » marchent dans une voie distincte, n'ayant d'autre point de » contact que celui de l'union nécessaire pour triompher — il Cela étunt, comment le gouvernement argentin a-t-il mi prendre en mauvaisc part que le Brésil, qui n'était pas un ennemi commun, eherohat á s'entendre seul avec l'autorité du général Oribe, claire et distincte de cello du gouverne- ment argentin, comme dit M. Guido, sur une question qui est évidemment étrangére á la guerre qui existe entre le gou- vernement argentin, le général Oribe et lo gouvernement de Montevideo, question qui disparaitrait pour loujours de- vant un peu de bonne volonté et de judicieuses mesures de la part du général Oribe, auxquelles en viendraient repondré d'autres de la part du gouvernement impérial? u Le soussigné a dit dans sa note du 8 mars dernier, en se rapportant aux actes commis par le barón de Jaouhy : « Le gouvernement impérial... espére que des actes de cette na- ture ne se reproduiront pas, si surtout, comme on a lieu de s'y attendre, le général Oribe, et le gouvernement argentin, de son cóté, contribuent ;\ faire disparaitre les causes primi- tives et anciennes de semblables faits. » » li. Guido fait observer que, par ees paroles, le soussigné reconnaít l'influence du gouvernement argentin pour établir dans la bando oriéntale un ordre de choses selon le désir du Brésil. Et qui peut douter de cela? »Mais reconnaitre que le gouverneurde Buenos-Ayres a une influence extraordinaire sur le général Oribe, á qui il a donné une armée argentine pour envahir la République de l'Uru- guay , et que personne plus que lui ne pourrait le disposer en faveur d'un arrangement avec le Brésil, est-ce par hasard re- connaitre les eüets politiques de l'alliance qu'on invoque, et le droit du gouvernement argentin pour s'approprier la ques- tion dont il s'agit ? » M. Guido croit avoir expliqué l'alliance en question par des généralités qui laissent subsister toutes les incertitudes Je l'avenir. Cette alliance est une unión nécessaire pour triompher de l'ennemi commun. Mais, ce triompbe obtenu, <)uel sera le sort de la République oriéntale de l'Uruguay?— -10 — C omment et qui la gouveniera ? Coiument et sous qu'clle in- (luence scront faites scs élections ? Cela n'importe-t-il pas beaucoup á l'indépendance de cet État et á la tranquillité de ses voisins? La convention du 27 aoíit 1828 ne l'a-t-elle pas reconnu? Commcnt? le gouvernement argentin et le general Oribe discutent ees points avec un gouvcrnement européen. la Franee, a qui ils nient, comme on peut le voir par les notes de M. Guido au soussigné, du 5o avril et du 2 aoüt der- niers, le droit de maintenir l'indépendance de la République oriéntale, et il ne veut pas les éclaircir et les resondre avec un gouvernement amérioain voisin, et avec lequel il a signé la convention préliminairc de paix du 27 aoút 1828, par la- quelle tous deux s'obligcnt á maintenir cette indépendance ? » Est-il possible que dans cette alliance entre le gómeme- ment argentin et le general Oribe, ees points n'aient pas été consultes et pris en considération ? On ne peut le croire : c'est une imprévoyance impossible ; et s'ils l'ont ¿té , pourquoi n'explique-t-on pas cette partie si importante de l'alliance? Refusera-t-on au Brésil le droit de la connaitre ? » Mais M. Guido a clos cette discussion par la demande de sonpasse-port! »...Le gouvernement impérial n'a jamáis craint de voir les puissanecs intervenantes nuire, á leur profit, á l'indépendance de la bande oriéntale. Les faits ont justifié sa prévision. » ... Le soussigné ne terminera pas cette note sans repousser l'accusation de déloyauté qui se trouve a la fin de celle de M. Guido. Ce n'est pas du cote du gouvernement impérial que cette déloyauté existe. II a toujours expliqué ses actes avec franchise et avec une patience extreme ; il s'est toujours montré disposé ú faire des concessions justes et raisonnables, dans le cas oú il y aurait d'autre part une équitable récipro- cité; il s'est toujours déclaré favorable á un arrangement qui pflt clore d'une maniere définitive toutes les questions désagréables que lui a suscitées le gouvernement argentin. et qui pDt mettre un terme á la guerre qui a dévasté la Plata — 41 — d qui continucra á la dévaster si l'on feruie l'oreille aux con- gjli d<; la modération, de la justice et de la tolérance, et si 1*00 ne parvient a faire prévaloir l'oubli du passé; il a ré- dame bien des fois contre les criantes et nombreuses vio- lentes dont les sujets brésiliens ont été victimes , et qui , ce- pendant, si elles cussent été réparées u temps, n'auraient pas donné lieu aux derniers événements. » La déloyauté se trouve du cóté de celui qui, accumulant sans cesse plaintes sur plaintcs pour des oíTcnses préten- ilucs, n'a jamáis voulu en venir á des explications franches et precises; elle se trouve du cóté de celui qui n'a jamáis fait la moindre concession, et n'a jamáis voulu s'cngager par un accord qui, amonan! une solution aux questions de Rio de la Plata, assurat la paix, la tranquillité de ees contrées , ainsi que l'indépendance des nationalités qui les oceupent. » Le gouvernement impérial, au contraire, a été et est encoré si loyal, qu'il n'hésitcra jamáis á substituer á des discussions interminables et stériles des conventions solen- nellcs qui les préviennent dans l'avenir, etqui, réglant d'unc maniere positivo et précise tous les points qui ont été et se- ront encoré malhcureusement des sujets de discorde entre les Etats de l'Amérique du Sud, contribuent áy rélablir d'unc maniere solide l'indépendance, et par le fait, la paix, l'ordre tt la liberté. » Le soussigné réitére á M. Guido les expressions de sa haute estime et de sa considération distinguée. » Paulino José Soarez de Soi'zA. » Ici finissent les échanges de notes : la rupture est consomuiée. Le général Guido quitte Rio de Janeiro, d le chargé d'aflaires du Brésil h Buenos-Ayres est '"appelé. Je remarque en passant, et pour mémoire, T»*! Buenos-Ayres, oü rien ne se fait qu'avec la per-— 42 _ mission de Rosas, des cris de mort sont proférés par la Mashorca autour de la demeure du ministre brési- lien, dont la vie est menacée. A Rio, au contrairc, dans cette ville déjá tout imprégnée de la civilisation européenne, le caractére diplomatique de l'agent de Rosas est respecté jusqu'au bout, et M. Guido s'em- barque le 15 octobre en toute sécurité. 111 CONSÉQUENCES DE LA BUPTURE. Pour apprécier l'influence que les événements nou- veaux survenus dans l'Amérique du Sud doivent avoir sur la décision que la France est appelée á prendre, il faut rechercher quelles ont été les conséquences immédiates de la rupture, et quelles modifications prochaines et certaines elle doit amener dans la ques- tion méme de la Plata. Précisons bien les faits, car déja une diplomatie qui se plaít á amasser les nuages s'efforce de les dé- naturer et de Ies obscurcir. Táchons que ce point spé- cial, qu'il nous a convenu de traiter, soit un peu plus clair que les autres cótés d'une question qu'on a si embrouillée qu'elle est passée á Pétat d'énigme. Le Rrésil a rompu avec qui? Est-ce avec Rosas? Non. Les démélés qu'il a eus avec Rosas n'étaient pas de nature a amener la guerre. Ce n'est pour aucun grief propre á la République argentine que M. Guido a demandé ses passe-ports. M. Guido a quitté Rio parce— u — qu'il ne pouvait obtenir les réparations qu'il deman- dait au nom d'Oribe. G'est done avec Oribe que le Brésil a rompu. Mais Oribe et Rosas sont la méme chose! C'est vrai. Oribe est une créature, un lieutenant de Rosas, qui n'agit que d'aprés les ordres du dictateur argen- tin. Mais qu'on y prenne garde : pour Rosas, Ja vérité est presque toujours une fiction et la fiction une vérité; Oribe est, á ses yeux, le président legal de la Répu- blique oriéntale. Or, sous peine de méconnaitre l'in- dépendance de cette République, que l'Angleterre, la France et le Brésil ont garantie, on ne peut admettre que le méme individu soit a la fois président de 1'Uru- guay et général argentin. Rosas et son aller ego sont done diplomatiquement deux personnes distinctes qail n'est pas permis de confondre. Voici done quelle est la situation. Le Brésil n'a pas, en ce moment, de motifs direets , suffisants pour faire la guerre a Rosas : il a, par contre, les plus péremp- toires raisons pour faire la guerre á Oribe. Je ne m'oc- cupe pas de savoir s'il la fera, je constate seulement ses griefs et son droit. Cette explication est fort nécessaire , car la diplo- matie dont je parláis tout á l'heure a essayé d'opposei au droit du Brésil une fin de non-recevoir dont le* journaux rosistes ont fait grand bruit. Lord Palmerston a invoqué l'article 18 de la con- vention préliminaire de paix du 27 aoüt 1828, qui prescrit comme obligatoire la médiation de S. M. Bri- tannique dans le cas d'une rupture entre Buenos-Avies — 4.:* — et le Brésil. Ge cas échéant, celui des deux États qui veut recourir aux armes doit notifier sa résolution á l'Angleterre , six mois avant de commencer les hosti- lités. Or il est évident que cet article ne peut s'étendre á Oribe, ni á titre de général argentin ni á titre de président de la République oriéntale. II est certain, et je ne le mets pas un instant en doute, que la destruction du pouvoir d'Oribe porterait á Rosas un coup si funeste, qu'il s'y opposera par tous les moyens. Mais cette intervention ne changera en rien le caractére de la lutte : elle ne fera pas qu'Oribe soit autre chose que ce qu'il est : seulement elle obligera Rosas á faire á l'Angleterre, avant d'agir, la notification exigée par l'article 18. Cette querelle écartée, j'arrive aux résultats nés ou a naitre de la rupture diplomatique dont je viens de raconter les causes. Les gouvernements ne disent pas á l'avance ( et ils ont bien raison) ce qu'ils comptent faire dans tel ou tel cas donné. Seulement leurs intentions ultérieures se préjugent aisément par la double appréciation de leurs actes et de leurs intéréts. Quels ont été les actes du gouvernement brésilien , aprés le départ du général Guido ? Un traité d'alliance oflensive et défensive a été im- médiatement conclu avec le Paraguay ; Les rapports existants entre le Brésil et le gouver- nement montevideen sont devenus plus intimes; Un emprunt qui a été rempli en vingt-quatre heures_ 46 — a été contracté par le gouvernement brésilien, pour faire face á des circonstances extraordinaires; Une armée a été rassemblée dans la province de Rio-Grande du Sud, limitrophe de l'État oriental : les milices de cette province ont été mobilisées; Un des meilleurs officiers du Brésil, le colonel Bar- ros, a été envoyé en Europe pour y recruter des sous- officiers et des soldats, et deja plusieurs navires sont partis de Hambourg, emmenant bon nombre d'anciens soldats de l'armée du Holstein ; Enfin l'escadre brésilienne avait reou, aux der- niéres nouvelles de Rio, l'ordre de se teñir préte, et á l'heure qu'il est, elle est certainemcnt en croisiére dans le Rio de la Plata. Voila des faits qui témoignent de la ferme résolu- tion oü est le Brésil d'agir vigoureusement, le cas échéant. Le Brésil a un gouvernement sage, eclairé , raéna- ger de la fortune publique, qui ne se jettera pas á la légére dans une entreprise, mais qui saura faire aux soins de ses intéréts et de sa dignité tous les sacri- fices qu'ils exigent. Ce n'est pas pour qu'ils restent l'arme au bras qu'il a réuni ses soldats sur la frontiére de Rio-Grande; ce n'est pas pour le plaisir de les faire changer de patrie qu'il a enrolé les hommes du Holstein ; ce n'est pas dans l'unique but de l'exercer á des évolutions mari- times qu'il proméne sa flotte dans les parages de Montevideo. Non; dans ees préparatifs, dans ees démonstrations, — 47 — dans les dépenses que cet état de choses entraine, il y a un but tres-sérieux , une résolution trés-arrétée de se teñir prét pour toutes les éventualités qui peuvent et doivent surgir. Je ne sais rien des secrets du cabinet de Rio; mais a celui qui me dirait que le général qui commande les troupes rassemblées dans le Rio-Grande n'a pas des ordres pour le cas précis oü Oribe, dégagé de la peur de la France, ferait une démonstration menacante contre Montevideo, ou bien que l'amiral Grenfeld n'est pas inuni d'instructions pour agir dans le méme cas, a celui qui me tiendrait ce langage, je n'hésiterais pas a repondré qu'il s'abuse de la facón la plus étrange, et qu'il n'est pas possible qu'un gouvernement aussi prévoyant et aussi ferme que celui de Rio n'ait pas avisé, par tous les moyensen son pouvoir, á faire res- pecter ses droits et a- sauvegarder sa dignité. II y a deux points sur lesquels le Brésil ne fléchira jamáis devant le gouvernement argentin, et ees deux points sont précisément le double but de l'ambition de Rosas. Le Brésil entend maintenir et défendre l'indépen- dance de la République du Paraguay que Rosas veut absorber dans sa confédération. Le Brésil, garant, aux termes de la convention de 1828, de l'indépendance de la République oriéntale, »e permettra jamáis que Montevideo subisse la loi de Buenos-Ayres. Les visées des deux gouvernements sont si directe- fflent contraires á l'endroit du Paraguay, qu'au mo-— 18 — ment oü le Brésil venait de conclure avec le gouver- nement de l'Assomption un traite d'alliance offensive et défensive, Rosas se faisait donner par sa junte des représentants un blanc seing financier, a 1'effet d'aviser á son aise aux moyens d'incorporer le Paraguay á la confédération. Ce décret, quej'ai sous les yeux, está la date du 19 mars, et par une coíncidence curieuse, il étend les effets du blanc seing financier aux faits qui nous concernent. Les revenus de la province sont mis sans restriction á la disposition de Rosas, pendant quon est á conclure avec honneur poüb le jnom argento la négociation ■pendíante avec la République frangaise, Ces mots avec honneur pour le nom argentin fon! mal á lire, et ce n'est pas la de la háblerie espagnole, car ils disent a peine la moitié de la vérité. Je reviens au Paraguay. II résulte de toutes les dé- péches publiées á Rio que le Brésil ne reconnait nulle- ment á la confédération argentine le droit qu'elle re- vendique de s'annexer le Paraguay, droit qu'elle fait découler d'une convention de 1811 qui n'a jarnai? été exécutée. Le gouvernement brésilien n'admettrait l'incorporation que dans le cas oü le Paraguay y souscrirait par un acte spontané de sa volonté. Or ja- máis le Paraguay n'a été moins disposé a abdiquer son indépendance, et les derniéres nouvelles annoncent qu'on y faisait les préparatifs les plus énergiques pour se défendre á outrance contre les attaques de Rosas, Quant á Montevideo , la question engage le Brésil d'une maniére encoré plus absolue. La République oriéntale ne peut pas, méme par un acte spontané — 49 - sa volonté, s'annexer á la confédération argentine, et tout le monde sait pourquoi. Le Brésil et Buenos- Ayres se sont longtemps disputé par les armes la bande oriéntale, et c'estpour mettre un terme á ces sanglantes querelles que la province de Montevideo a été constituée en État indépendant par la convention du 27 aoüt 1828, conclue entre les deux parties contendantes, sous la médiation de l'Angleterre. Montevideo ne peut done pas abdiquer son indépendance quand méme ce serait le voeu de son héroíque peuple, et certes il l'a arrosée de trop de sang pour le vouloir. II est méme fort douteux pour moi qu'il puisse rien changer á son excellente constitution sans I'adhésion de Buenos-Ayres et du Brésil, qui, aux termes de la convention de 1828, ont fait examiner et approuver cette oeuvre par leurs commissaires. Ainsi, en vertu de ses droits in- contestables comme de ses intéréts évidents, le Brésil liendra en perpétuel échec les plans ambitieux de Rosas contre la bande oriéntale. Je pose trés-nettement ces points, pour répondre á une objection que j'ai souvent entendue et qui peut- étre se reproduira á la tribune dans le débat solennel qui va s'ouvrir. On a dit que la France devait teñir médiocrement compte des différends qui viennent de s'élever entre le Brésil et Rosas, par cette raison que s¡ les traités Le Prédour n'étaient pas adoptés, Rosas sarrangerait bien vite avec le gouvernement brésilien Pour n'avoir affaire qu'á la France seule. Mon Dieu! 5il devait en étre ainsi, nous ne comprenons pas pour- 'l'ioi on insisterait tant pour faire ratifier les traifés: 4car, en s'arrangeant complétement avec le Brésil, Ro. sas abdiquerait tous ses plans d'usurpation, et il nou¡> donnerait á nous-mémes des satisfactions bien autre- ment sérieuses que celles qu'on a stipulées. S'arranger avec le Brésil? mais ce n'est pas seulement pour Rosas s'obliger á laisser en paix le Paraguay, c'est recon- naltre qu'Oribe n'est pas le président légal de la Répu- btique oriéntale, c'est restituer a Montevideo la pléni- tude de son indépendance et de sa liberté d'action! Oh ! Rosas ne fera pas cela, on peut en étre certain. II restera ce qu'il est, un ambitieux brouillon; il ne s'arrangera pas avec le Brésil! Ces points posés, j'ai háte d'en tirer les conclusions qu'ils renferment, et j'arrive á rechercher la conduite que les calculs d'une bonne politique conseillent á la France. IV LES TRAITES LE PRÉDOUR.—CONCLUSIONS. J'ai dit que je laisserai de cóté les généralités de la question. Je serai done trés-bref sur les traités dont la ratification est demandée á l'Assemblée. Pour ceux méme qui les défendent, ces traités sont une oeuvre déplorablement triste, qui soufflette á chaqué article l'amour-propre national. On ne les accepte pas, on les subit. C'est une désagréable et sotte affaire dont on ne sait comment sortir et dont on sort mal. On ne se consolé un peu de l'humiliation qu'on éprouve, qu'en se rappelant que ;la France est grande et que Rosas est petit. Soit, la France est grande, on peut l'abaisser; Rosas est petit, on peut le grandir. En Europe, il n'y a pas péril á cela, j'en conviens; mais en Amérique, panni ces populations impressionnables, un peu hábleuses, fáciles au mépris comme á I'admi- xtión, il y a de graves inconvénients a laisser tomber en discrédit le nom de la France. Pour peu qu'on— 52 — veuille songer á l'immense avenir commercial qui est réservé á ees contrées lointaines, on comprendra com- bien il est fácheux que nos premieres armes vis-á-vis d'elles soient des échecs, et que les eflbrts de nos ne- gocian ts et de nos marins ne soient pas, dés á présent, aidés et soutenus par le respect qui doit s'attacher á notre puissance. Si done il faut subir la loi de la néces- sité, cette loi est bien dure! D'autres traités avaient été conclus avec Rosas et Oribe, en 1849. On n'a pas osé en demander la rati- fication á l'Assemblée, qui l'eüt infailliblement refusée, les débats de l'époque le prouvent jusqu'á l'évidence. Pourquoi sanctionnerait-on aujourd'hui les nouveaux traités? Somines-nous plus faibles qu'en 49? Non; nous sommes plus las, voilá tout; il s'est écoulé quinze mois entre un débat et l'autre, et, dans ce pays-ci, le temps n'est pas de l'argent, comme en Angleterre , mais le temps est un argument donné par Pennui. Les nouveaux traités sont-ils meilleurs que les an- ciens? ménagent-ils mieux l'amour-propre de la France? tiennent-ils plus de compte des droits et inté- réts de ceux qu'elle a compromis? Je ne sais pas si on aura la fantaisie de soutenir cette thése : pour moi je n'ai pas le coeur á la discuter. J'ai lu soigneusement les quatre traités, je les ai rapprochés les uns des autres, et sous les artífices de quelques modifications dans la rédaction, je n'ai trouvé aucune des satisfac- tions sérieuses que réclamaient les adversaires de la premiérr wuvre de M. Le Prédour. Mais je laisse de cóté toutes les pauvres habiletés de rédaction, sur lesquelles on fera bien de glisser, et j'aífirme ceci : II y avait pour admettre Ies traités, au mois de jan- vier de l'année derniére, des raisons qui n'existent plus aujourd'hui; II y a aujourd'hui pour rejeter les traités, des raisons qui n'existaient pas au mois de janvier de l'année der- niére. J'établirai cette double thése en peu de mots. Dans les débats solennels auxquels la question de la Plata a donné lieu, et qui depuis quinze ans se sont renouvelés á chaqué session, il y a un argument qui a été constamment produit par les adversaires de notre intervention, et auquel j'accorde, pour mon compte, une tres-grande valeur, c'est celui qui consistait á diré que les puissances maritimes de l'Europe devaient soi- gneusement ménager les fiéres susceptibilités de 1'amé RICANISME. Je ne veux pas faire de phrases, et je dis tout sim- plement que c'était un trés-grand malheur pour notre intervention d'avoir contre elle le sentiment de la na- tionalité américaine. L'Amérique du Sud est tout ré- cemment affranchie, et elle n'aime pas á voir l'Europe, dont elle a secoué le joug, se méler de ses affaires inté- rieures. Elle s'effarouche aisément d'actes méme légi- times, méme pleinement admis par le droitdes gens, mais auxquels elle est toujours disposée á préter une arriére-pensée de conquéte. Son indépendance est si 4.— M — nouvelle, et lesgaranties en sont si mal assises! Sa soeur ainée, la vieille affranchie du Nord, Fentretient, le plus qu'elle peut, dans ees ombrageuses dispositions, car plus elle lui rendra suspeets les rapports avec FEu- rope, plus elle accaparera pour elle-méme les riches débouchés qu'offrent ees vastes contrées du Sud, neuves á toutes choses. Notre intervention avait done un cóté trés-fácheux : elle blessait l'orgueil américain; elle éveillait de ja- louses susceptibilités. Cela est si vrai, qu'au Brésil méme, oü la France est aimée, oü Rosas a tou- jours été apprécié ce qu'il vaut, on nous voyait avec déplaisir dans la Plata. Les journaux brésiliens de l'époque font foi de cette disposition de l'opinion publique. Cet argument avait done, l'année derniére, une importance réelle, et puisque nous étions las, il pou- vait nous servir au moins á couvrir honorablement notre retraite. Aujourd'hui Fargument n'existe plus, il a été emporté par la folie ambition de Rosas qui a tourné contre lui-méme les alarmes qu'il avait fausse- ment dirigées contre nous. Non-seulement on sait, au Brésil, au Paraguay, dans l'Uruguay, dans la Bolivie, que la France n'a nullement la pensée d'attenter aux jeunes nationalités de FAmérique du Sud, mais on sait aussi que ees nationalités sont menacées par Rosas lui-méme, et qu'en définitive si nous restions dans la Plata, ce serait pour y combatiré l'ennemi commun. L1américanisme qui était contre nous est désormais avec nous. — ,55 — Voüá comment le plus puissant argument á l'appui des traités se trouve supprimé. Quant aux raisons nouvelles de les repousser, je me borne á les indi- quer. Ce n'est pas un fait dont il soit permis de mécon- naítre Fimportance, que Fattitude prise par le Brésil á l'égard d'Oribe et de Rosas. II prouve tout au moins que s'il nous convenait de reprendre dans la Plata le caractére de belligérants, notre entreprise y rencon- trerait d'immenses facilités qui nous ont jusqu'ici man- qué. Je n'ai aucun goüt pour les hypothéses, qui tracent des plans de campagne, et qui font manoeu- vrer les flottes et les armées; mais si Fon veut bien se repórter aux objections qui étaient dirigées, l'année derniére, contre les plans qu'exposait M. Daru au nom de la commission, on verra que ees objections tombent d'elles-mémes, en présence des faits nouveaux qui se produisent, et qu'avec le concours du Brésil, la tache qu'on présentait comme impossible deviendrait l'acile. Je n'insiste pas sur ce point qu'il suffit de signaler, et je pose aux représentants de la France la question suivante : « Étes-vous done si satisfaits des traités Le ■Prédour, audouble point de vue de notre dignité na- • tionale et de nos devoirs envers nos alliés, que vous •trouviez bon de refuser Foccasion qui s'offre á vous •d'avoir pleine et prompte raisonde Rosas, sans im- • poser au pays de nouvelles charges et de nouveaux • sacrifices? » Je le redis pour qu'on ne m'attribue pas une préten-tion que je n'ai pas; je ne sais ce que compte faire le Brésil, mais je sais ce que le soin de sa dignité et de ses intéréts lui commande, je sais qu'il y a á Rio un gouvernement trés-éclairé, tres-résolu, qui connait et remplit ses devoirs, je sais enfin que le pays tout entier marche avec son jeune empereur et avec les ministres qu'il honore de sa confiance : cela me suffit pour me donner la certitude que le Brési! sortira avec honneur de la querelle dans laquelle il est engagé. Je crois qu'avec ou sans la France le Brésil viendra á bout de l'ambition de Rosas, et qu'il ne lui permettra pas de s'agrandir aux dépens des deux républiques de l'Uruguay et du Paraguay. Mais puisque la fortune de la France lui a donné un role accidentel dans ees luttes lointaines , je serais dé- solé qu'elle y renoncát au moment méme oü ce role peut tourner á son profit. II ne faut pas qu'on oublie, si on veut faire sincé- rement et habilement les affaires de la France, que nous avons avec le Brésil un commerce d'une immense importance, qui chaqué année prend de nouveaux dé- veloppements et qui , si rien ne le géne, aura bien vite dépassé le chiíFre de 100 millions d'affaires par an. Ce commerce a l'inappréciable avantage d'étre fait tout entier par navires francais. II faut se rappeler également que nos rapports avec le Brésil sont basés sur un traité de 1826, dont les effets sont expirés, qui ne subsiste encoré que par le bon vouloir du gouvernement brésilien, et qu'il sufíi- rait d'une simple dénonciation pour nous en enlever les bénéfices. II faut qu'on sache enfin que ees avantages com- merciaux faits a la France rencontrent au Brésil une vive opposition; que des deux partís qui se disputent le pouvoir il en est un plus éclairé, plus civilisateur, plus ami des arts et de l'industrie d'Europe qui pro- tege les intéréts de la France, tandis que l'autre, plus exclusivement américain et un peu anglais, ne laisse échapper aucune occasion de nous nuire et se prononce contre le renouvellement du traité de 1826. C'est le premier de ees partís qui gouverne, et tout ce que la France fait de hardi, d'intelligent dans FA- mérique du Sud, tout ce qu'elle fait de loyal et de bienveillant pour le Brésil devient, aux mains des hommes hábiles de ce parti, un tout-puissant argu- ment pour le maintien des bonnes relations avec la France. Au contraire, tout ce qui serait fait pour accréditer l'opinion que le gouvernement de France manque de suite et de coeur, que pouvant agir de concert avec le Brésil il s'y refuse, qu'étant entré peut-étre un peu lé- gérement dans une affaire sud-américaine, il la quitte quand le Brésil est prét á y entrer de son cóté, tout cela servirait singuliérement l'opposition brésilienne et desservirait d'une facón peut-étre irréparable nos pro- pres intéréts. On a tant parlé, á propos de notre intervention, de nos relations commerciales dans la Plata, et des sa- crifices qu'elles exigent, qu'il serait absurde de sup-— 58 — poser que l'Assemblée ne tiendra pas compte de dos relations bien autrement importantes avec le Brésil, alors que pour maintenir, fortifier et développer, dans des proportions immenses , ees relations, il nous suífit de faire ce que nous commande notre dignité. Je me résume, et je dis que la ratification des traites Le Prédour doit étre refusée, en raison de l'attitude nouvelle prise par le Brésil, et par ees trois motifs: Que notre intervention, qui avait un cóté impolitique parce qu'elle éveillait les ombrages de l'américanisme, est aujourd'hui trés-politique, parce qu'elle a désor- mais les sympathies et qu'elle aurait probablement le concours de la premiére des puissances de l'Amérique du Sud, du seul gouvernement qui soit réguliérement et solidement organisé ; Que, dés qu'on saura que la France est décidée á avoir raison de Rosas, les situations seront prompte- ment définies, et une entreprise qu'on tenait avec quelque raison pour malaisée, deviendra d'une mer- veilleuse facilité; Enfin que nos intéréts commerciaux ont tout á perdre avec les traités, et tout á gagner avec le main- tien de l'intervention. L'intervention a done aujourd'hui ees trois avan- tages qu'elle n'avait pas : elle est politique, facile, profitable. Le moment serait singuliérement choisi pour y renoncer! — 59 — Je termine par deux observations. Qu'est- ce que Rosas ? Un gaucho de l'école du doc- teur Francia, qui a jeté son américanisme dans le moule des idées chinoises. 11 ferme impitoyablement aux nations riveraines la sortie du Rio de la Plata et étouffe leur développement qui donnerait aux produits de l'Europe de nombreux consommateurs. II veut tout monopoliser á Buenos-Ayres, et c'est dans ce but qu'il poursuit la destruction des deux républiques du Para- guay et de l1 Uruguay. Peut-il convenir á la France, aux intéréts de la civilisation dont elle tient le flam- beau, qu'un tel homme accomplisse une telle táche, et que la barbarie du gaucho opprime, en les séques- trant, d'immenses et riches contrées qui n'attendent pour prospérer qu'un souffle de civilisation amené par la liberté du commerce ? Ma derniére observation se rapporte plus directe- raent au sujet spécial que j'ai traité, et je la recom- mande á l'attention des hommes politiques. Qu'arrivera-t-il dans le Rio de la Plata, si la France s'en retire, et á quel résultat aboutiront les démélés existants entre le Brésil, d'une part, Rosas et Oribe, de l'autre? J'ai déjá parlé de lord Palmerston et de l'interprétation abusive qu'il donne á Particle 18 de la convention du 27 aoüt. Ceux qui ont étudié lord Palmerston, savent que plus une thése est contestable, plus il y tient. Que pourra le Brésil contre des pré- tentions évidemment injustes, mais qui ont comme arguments á leur service tant de vaisseaux de haut tard et tant de canons ? Le Brésil cédera: il subirá— OO- la médiation de l'Angleterre, et les deux plus impor- tants États de 1'Amérique du Sud verront leurs diffé- rends tant bien que mal terminés par cette entremise. L'Angleterre ne fait rien pour rien : elle mettra un prix élevé á ses bons offices. Qui done payera les frais de la médiation, sinon la France? FIN. MW. —nmill PAH K. THI'NOT Kl C, UPE «ACUTÍ, 3«.