Cn^.^OÍ ol í* S01V PASSÉ, S01V PRÉSENT ET SON AVENIR, • I.' PAR BIS ÉTRANGER Qui a vécu longtemps dans ce pays, OÜVRAGE PUBLIÉ A RIO-JANEIRO EX 1848, ET REPRODÜIT EN ERAME PAR IJE CÉKÉRiL ORIENTAL PACUECO-V-OBES. ir f I I ( PARIS. IMPHIMERIE DE MADAME DE LAGOMBE , RUE D'ENUHIEN. 14. 1851. liAVANT-PROPOS En reproduisant en France ct signant de mon nom une publicaron des- lince a faire corinaitre le Paraguay au nioment oü se discute le traite Le- prédour, je crois nécessaire d'expliquer le but que je me propose, parce qu'avant tout il ne faut pas que personne puisse émetlre un doute sur la po.«ilion occupée dans cclte question, par le pays ctla cause que j'ai 1'lion- ncur de représenler. Mes ¡Jées et mes convictions les plus profondes m'cloignent de toute dé- morchc tendaut á excrccr une influence quelconque sur la résolution que la France va prendre. Ma pensóe intime est que mon pays doit assister ¡mpassible au débat qui va s'ouvrir, et, que lque soit le résultat, ne se pré- nccuper d'autre chose que de ce qu'il lui appartientde fairepourmaintenir son indépcndance. Si la perle de la nationalitó de mon pays doit suivre l'abandon de la France, j'ai la croyance profonde que ce malheur est préférable á celui de nous voir mendier un appui que la France a pu uous accorder daos un mo- ment donné, et qu'elle a le droil de nous retireralors qu'elle le juge con- venable. La fatalité n'apaspermis que ees ¡dees pussent prévalolr dans ma patrie, quelques nnnées avant qu'on eút la pensée d'accepter une interventicn ttrangére ; aujourd'hui que l'expérience leur a donné une sorte de consé- cration, mes coinpatrioles les adoptent; aussi, puis-j • me permettre d'enfaire pour moi une regle de condnite en harraonie avec mes devoirs d'homme d'lítat. « Détruisez, me disait mon honorable a ra i le ministre de la guerre en » m'accompagnant au mó!e de Montevideo, le jour de mon départ pour ■> la France. le 17 aoút dernier, détruisez toutes les calomnies que la » presse dirige contre la cause de nolre pays, démentez loutes les asser- » tions mensongéres dont on nous aceable, mais quant á la résolution que » la France doit prendre vis-á-vis de nous, exige z seulement qu'elle soit » prompte etnette, et qu'elle neblessepas notre indépendanre. La France » a le droit de nous abandonner, mais personne n'a le droit de décider de " notre sort. Cette terre est la nólre, nous n'avons mAnagé rií notre sang •> ni notre fortune pour la défendre, personne antro que nous ne doit élre » l'arbitre de son avenir. » Je ne fais done pas la reproduction de cette publication danslebut d'in- Uuencer la decisión de l'Assemblée législati ve, ui.-is bien pour obéir á une pensée de patriotismo américain. Le général Rosas compte en France des amis qui le défendent aveccha- leur, personne ne doit en étre surpris, car cbacun a son libre arbitre pour juger á son point de vue les faits qui le touchent; il est naturel que les actes du général Rosas envers l.i France soient considérés parquelquespersonnes roiíime dignes d'éloges et quelquefois meme d'cnthousiosme. Les amis du diclateur pouvaient diré : « que l'on ratifie les traités, la » France le juge conveuable. » Aucun étranger n'avaitle droit de faire une objection á cette decisión. Mais au lieu de se borner á établir les motifs pour lesquels la France doit montrer de la bienveillance au général Rosas, ses amis ont développé d'autres argumenta, parmi lesquels on trouve sur- tout le discrédit jeté sur les peuples et les gouvcrnements de l'Amérique du Sud en opposition avec le dictaleur. Buénos-Ayres lui obéit, le Paraguay et l'État Oriental le combattent. Des lors, pour les amis du général Rosas, Buénos-Ayres devient la terre pro- mise, pendant que le Paraguay et l'État Oriental doivent étre désbérités de toutes les faveurs de la nature, de tous les avantages de la civilisation, de tout enfin ce qui peut rendre désirables les rapports avec un peuple. Ceux qui écrivent ainsi n'ont jamáis habité les contrées dont ils entre- tiennent leurs lecteurs, ou les jugent aprés un séjour de quelques mois dan» les villes du littoral, c'est-á-dire dans des localités qui, bien qu'Amé- ricaines, sont loin de bien représenter l'élément américain. Qu'importe cela ? Les amis du général Rosas décident dogmatiquement et jugent le génie et les moeurs, les traditions, les querelles et la civilisation de ees peu- pics ; ils écrivent dogmatiquement sur tout ce qui a rapport á ees contrées, et généreux ou avares suivant leur intérét, ils leur accordent ouleur refu- sentdes qualités, les déíigurenl ou les embellissent, et cela avec un tel aplomb, qu'ils arrivent presque a jeter le doute dans nos esprits, á nous, qui somraes nés dans ce pays et y avons passé notre vie. Cette méthode de proceder n'est pas étrangére á ceux qui en Europe dé- fendent notre cause. Nous avons entendn jeter du haut de la tribune l'épi- théte de láches aux solJats argentins, qui ont fait dans la guerre toutcequi est humainemenl possible pour ne pas mériter ce nom, et souvent on voit dépeindre l'habilant de la terre argentine et son pays sous descouleurs dé- favorables. G'est que, ne connaissant ni les hommes ni les choses de 1'Amérique du Sud, nos amis cemme nos ennemis, en général, confondent tout et placent l'intérét d'un peuple, lá oú se trouve I'intérét d'un homme. Moi qui ne puis recourir á de tels moyens erronés pour défendre mon pays vis-á-vis de l'Europe, j'ai, dans toutes les occasions, renda au noble peuple Argentin, la justice qu'il méritait, —l'accomplissement de ce devoir m'était d'autant plus facile qu'entre les Argentins et Oricntaux, il n'y a au- cun intérét qui les divise, — aucune haine ne leur a mis les armes á la raain; — ils s'égorgent mutuellement, parce qu'ainsi le veut la volonté de fer de l'homme qui, veníant étre le destructeurde ma patrie, est aussi l'oppresseur du peuple Argentin. Ceux qui traitent ainsi la question de la Plata ne se rendent certaine- ment pas compte de l'effet que produit un tel systéme sur les hommes de l'Amériquc du Sud ; — ils ne comprennent pas que, si par hasard il se rencontre un Américain assez miserable pour applaudir aux inju- res prodiguées á ses adversaires, la généralité des hommes de cette contrée s'irrite contre une défense ainsi formulée et la tient á ou- trage. Sans étre á la hautenr de la civilisation européenne, les Américains du 9od ne sont pas, tant s'en faut, ees peuplades sauvages que l'étranger peut,á son caprice, oxcifcr les unes contre les nutres, et qui céd&nt á la rancune du moment, se halssent, se dépréoient et se calomnient mutuellement. Ce- pendant, le ton employé, en parlant de nos affaires, est bien souvent celui qne l'on prendrait en parlant de celles d'Otahiti. Quiconque sait, cu croit savoir rédiger un article, s'arroge le droit de nous donner des lecon?, de trancher impérieusemcnt dans nos discussions, et nous prodigue aussi le sarcasme. Nos révolutiOns, nos guefre?, nos erreurs, les crimes mémés qui vien- nent parfois attristfr ees bolles régions, tout cela semble étrange á l'Eu- rope; etcependant, lorsque nous ouvrons l'histoire des peuples du conti- nent européen, nous pouvons trouver, nous aussi, et cela en debors des temps de barbarie, des révolutions, des guerres, des erreurs, des crimes, enGn un spectacle semblable á celui dont l'Amérique du Sud est le théátre. Bien peu d'hommes en Europe ont compris l'Amérique, et ont pu juger ses habítants et ses besoins; bien peu d'hommes ont pu apprécier les cir— constarices dans lesqüelles se sont trouvés ees peuples entrant dans la vie politique. Ceux-lá ont pu reconnaitre toutes les difTicultés qu'il a fallu va i ri- ere pour arriver au point oú Ton est parvenú : ils ont su comprendre que lio snpérioi ¡té iníelligente ont déployée les Boüvar, les Rivadavia, les Andrade, et ils ont dú admelfre que les peuples qui produisaicnt de tels hommes, n'é- taient pas a classer d'une maniére aussi ¡nférieure, comme le diré de cer- tains écrivains voudrait raflirmer. De tous les peuples de l'Amérique du Sud, le Paraguay est le moins connu de l'Europe, et en méme temps celui qui a été le plus victime du systéme dont nous déplorons les effets. Lesapologistesdugénára! Piosas ontdépeintcettecontrée souslescouleurs les plus sombres; ils ont nié son importance, ils ont vilipende le caractére du peuple; ils ont meconmi et calomnié l'illustre magistrat placé á sa téle, auquel ses vertus, ses talents, son patriotismo ont mérité le respect de toute l'Amérique en méme temps que l'amour et la confiance de ses conci- toyens- C'est pour combatiré ees erreurs, c'est pour faire connailre un peuple vertueux et vaillant et luí faire rendre justicc, c'est pour faire estimer le nomd'uii des hommes qui.honorent le plus le uom américain, que j'ai voulu — 7 faire publier ici les lettres sur le Paraguay. Cet ouvrage a élé édité en 1848 en Amérique, et son auteur était un étranger n'ayant a attendre aucune faveur du gouvernement ou du peuple du Paraguay. Ce qui recommande surtout ce livre, c'est saciarte, sa^ modération, la sagesse de ses appréciaíions, etla connaissance profonrle de lout ce qu touche au peuple du Paraguay. — L'auteur n'est pas Fecho des recits qu'on a pu lui faire, il écrit ce qu'il a vu, et un séjour de plusieurs années dans le pays lui permet d'asseoir son jugement. Trois ans se sont écoulés depuis l'apparition de ce livre; et depuis cette époque, le Président López a mérité davantage la qualification de grand administraleur ct acquis de nouveaux titres a la reconnaissance de ses con- citoyens. Toutes les branches de l'administration ont été considérablement amé- liorées, 1'instruction publique a recu une nouvclle impulsión, un nouveau Code de commerce a été promulgué, le sysléme financier s'est perfectionné, et on frappe depuis quelque temps une monnaie aux armes du Paraguay dans sa capitale. En 1849, l'armée du Paraguay donna signe de vie en oceupant une par- lie de la province de Corrientes, pour protéger l'introduction d'un grand eonvoi d'équipcments militaires achetés au Brésil par le Président. — Le général Rosas, qui raillait l'armée du Paraguay, ne trouva á lui opposer, le jour oü elle semontra, ríen autre chose qu'uno attitudc défensive. Aujour- d'hui, l'armée du Paraguay par son instruction et sa discipline, est Fé- mule des armées des diíTérents peuples de l'Amérique méridionale. Un Iraité d'alliance offensive et défensive fait plus tard avec le Brésil, et ratifié par S. M. l'Empereur, révéle Fexistence du Paraguay au monde politique, puisque ce traité a pour base la conservation de la nationalité de l'Ktat Oriental. Ainsi, le Paraguay jouit d'une administration protectrice de l'ordre et d'une sage liberté; ses revenus et ses dépenses sont dans un équilibre par_ fait, son armée garantit son indépendance; il s'appuie sur l'amitié et l'al- liance du peuple le plus puissant de l'Amérique du Sud. Ces resultáis ont élé obtenus en peu d'années par l'homme entre les mains duque! est tombé l'héritage du docteur Francia, c'est-á-dire la di- rection d'un peuple écrasé par le despotismo le plus barbare, enchainé dans l'iriaction par Tisolemenl complet dans Icquel ce despotisme le main-tenait, n'ayant d'autres lois qae la volonté d*un tyran et d'autres ressources financiares que la propriété particuliére, ravie á son possesseur le jouroú le mattre en avait besoin. — Sereit- ce que l'homme dont le génie a obtenu de tels résultats n'a pas fait assez pour méritcr l'cstime du monde? ou ceox qní, en Europe, parlent si légérement du Président D. Carlos López, au- raient-ils des tilres égaux a présenter á la reconnnissance de l'humanité? Je livre la solution de ees questions au bon sens de l'Europe; moi, j'ai accompli le devoir que, je le répéte, un sentiment de patriotisme améri- cain m'a seul inspiré : en terminant la tache qui, si heureusement, m'est échue, j'éprouve une véritable joie d'avoir pu proclamer á haute vofx, au milicu de l'Europe, les vertus du Pt uple Paraguayen et celles de l'illustre Magistrat qui préside á ses destinées. París, le 4 Juin 1851. M. PACHECO-Y-OBES. LETTRES SUR LE PARAGUAY Buénos-Ayres, 8 février 1848. Monsieur... A Río de Ja;.eiho. Vous me priez de vous diré exactement ce qu'est le Paraguay, c'est-a-dire quels sont les principes, le caractére, la tendance, l'organisalion du gouvernement actueldu Paraguay ; quelle est son administration; quelles sont ses ressources militaires et fl- nanciéres, ses productions ; quels sont les moyens d'y étublir une prospérité durable et d'y alinientcr un commerce important. Vous voulez ees informations pour les confronter avec celles que vous me dites avoir été données au gouvernement des États- Unis par M. Graham, cónsul de ce gouvernement á Buénos- Ayres. M.Grahams'estrendu auParaguay parordre de M. Brent, chargé d'aflaires des États-Unis auprés de la Républíque Argen- line, pour offrir sa médiation dans l'arrangement des difficulté's entre le Paraguay et Buénos-Ayres. Vous me demandez beaucoup : je ne sais si je pourrai vous satisfaire ; j'y ferai tous mes efforts. Je vous dirai, avec la véra- cité et la sincérité que vous me connaissez, ce que j'ai vu et l'o- pinion que je m'en suis formée. II est bon de savoir la posilion de oelui qui donne un ren- seignement, parce que cette connaissance sert á mesurer la va—— 10 — leur de ce renseignemenl. Vons saurez done que je suis peul- élre le premier dtranger qui ail penetre dans l'intérieur du pays apres la mort du dictateur. J'y ai séjourné plus de six anudes; je l'ai parcouru dans toules les directions; j'y ai observé avec une allention soutenue Ies usages et contornes, Ies idees des habitants. Gráces a queln ucs connaissances medicales que je possede, j'ai éld a méme de leur rendre quelques services, qui m'ont fourni l'occasion d'e-ntrcr en relations avec des individus ays sous loules les faces ne m'ont point manque. Depuis leder- niersiécle le Paraguay avait acquis de la cdldbritd en Europe a cause des dtablissemenls des Jdsuites, dont il a ele dit lant do bien et tant de mal. La curiositd du monde a dtd ensuile tenue en éveil- par l'etrangetd et l'originalild de rhornmc qui a gou- vernd ce pays si longtemps. Aujourd'bui que tous Ies gouverne- uients et lous les hommes inlelligents cherebent a í'avoríser et a dtendre le commerce, les arts et rindn?trie, il estnaturel que loutee qui peut atteindre ce bnt et servir de donnee pour calcu- ler des projets et des entreprises excite un puissant intérél. Pour juger súrement un pays, il fáül commencer par le bien connaítre avant l'dpoqtie sur laquelle I'on fait porter son exa- men. C'est á un pareil point de ddpart que j'ai rattacbd mes ob- servations. J'ai recherchd d'abord avec grand soín ce qui s'est fait á l'époque si mystdrieuse du dictateur Francia, pour com- parer ce temps et ce gouvernement avec le temps et le gouver- nement actuéis, pour savoir ce que le Paraguay dlait alors, et s'il s'est amdliord ou s'il a empiré, j'ai cru qu'il dtait indispen- sable d'avoir une teinture, au moins Idgére, des dvdnements intérieurs d'un pays que l'on veut dtudier, sous peine d'en por- ter des jugements térndraires. 11 est en outre indispensable, pour ne se pas tromper, de prendre en considdralion les circonstances spéciales de chaqué pays, de chaqué gouvernement et des hommes que l'on veut f-araetdriser. Si Ton pei'd de vue ce principe, Si l'on juge sur des 11 — données et des idées préconcues, sans dgard pour Petat parti- culier des pays et des gouverncmenls, on s'expose á ne tirer que des conséquences hasarddes ou fausses. Je ferai done preceder les renseignemenls que vous me de- mandes d'un rdeit succinct de ce qué s'est passd au Paraguay depuis que rinfluence exclusive du dictateur Francia et de son modo de gouvernement s'y est consolidde. Vous saurez alois ce qu'dtait le Paraguay a eclte époque. Je vous indi juerai aussi les circonstances speciales et l'élat exceptionnel du Paraguay, en vous exposant les raisons sur lesquelles je base mes jugements, et avec ees données vous pourrez apprdcier le pays, son gou- vernement actuel et l'homme qui vous transmet ees infor- matioits. U ya huitans, le Paraguay, jadis une des provinces de la vice-royauld do Budnos-Ayres, n'exisiait plus, pour le monde polilique et commercial, que dans les livreset sur les caries geo- graphiques. On aurnit dit qu'un grnnd calaclysme l'avait fail disparaiiro de la surface du pdobe. Quand par hasard on venait a parler du Paraguay, c'dlai». comme d'une chose qui a cesse d'étre, tant avait din complete, rigoureuseet longue l'ihOOWfinu- nicabilitd oü le dictateur avait maintenn cello contrée pendanl loul son regne. Ce fut précisement la ce qui excita ma curiositd et me decida a visiler ce pays. II importe peu, je crois, de savoir comment le dictateur attei- gnit le degrd de pouvoir oü il se placa et les motifs qui l'ont in- duit a prendre le parli, aussi singulier que ruineux, de se blo- quer lui-méme avec une rigueur sans exemple. Je me bornerai done a vous exposer les rcsultats de ce sdquestre, sa nalure, ainsi que le sysleme de gouvernement et d'adminislration du dictateur Francia. Le premier, efí'et de celte sdquestration du monde extdrieur fut d'aneantir en peu d'années le commerce important, actif et florissant, que íit a lie province pendant les trente derniéres anndes du XV11I* siécle el Ies dix premiéres de celui-ci. D'aprés les calcnls et l'opinion de ceux des ndgociants de cette dpoquo qui vivent encoré, le commerce du Paraguay exigeait un HMMB veuient de plus d'un million et deini de praslres fortes, occu-— 12 — pait plus de cent cinquante bátiments de tome grandeur, entre lesquels 011 en comptait plus de trente au-dessus de deux cents tonneaux, et employait plusieurs millíers de bras á préparer l'herbe ou thé du Paraguay, á couper des bois de conslruciions et a différenls travaux agricoles. On ne connaissait alors que trois anieles d'éehange ou d'exportalion : l'herbe, le tabac el les bois. Personne nc songeait au cotón, au sucre, á l'indigo, aux resines et autres anieles que le pays produit en abondance. Avec la cessation du commerce les capitaux s'éteignirent, d'immenses approvisionnemenls de produits se convertissant en poussiére dans les magasins. Personne ne put croire que celte incommunicabilité se maintiendrait si longternps. Chaqué année on s'attendait á ce qu'elle allaíl finir, et chaqué année on re- faisait les approvisionnements en herbé, tabac el bois, qui tom- baient á leur tour en poudre. Les bátiments, stalionnant sur les rives du fleuve, sous un climat tropical, se démanlelaíent et pourrissaient enfín aprés avoir occasionrié d'abord de grandes dépenses de radoubage ; enfin, des milliers de bras restaient inoecupés. Avec la cessation du commerce les recettes des douanes, seul revenu de l'Etat, disparurent. Le dictaleur rem placa ce déficit par un expédient tres simple et trés facile, celui des confisca- tions, d'amendes exorbitantes pour les fautes les plus légéres et les plus innocentes, et de demandes d'argent á ceux qu'il suppo- sait en posséder, fusillant quiconque ne payait pas la somme prese rite á l'époque qu'il désignait lui-méme, et s'emparant en- suite de tous ses biens. Le dictaleur a mis bien des soldats sur pied ; mais il n'avait ni armée, ni organisation militaire, de quelque nature que ce fút. Ses soldats, d'aprés ce que j'en ai pu juger, m'ont paru in- capables d'une résistance sérieuse. Avilissant la classe militaire, dont le noble emploi est de maintenir l'ordre public et de de- tendré l'État quand il est atlaqué, il en fit le tyran et le bourreau des aulres classes. Tout homme qui ne portait pas l'uniforme devait se découvrir lorsqu'il passait devant un soldat, sous peine d'étre sabré, s'il manquait, raéme par distraction, á ce ceremonial. L'adininistration publique hors de la capitale élait confiée á des délégués et commandants militaires, qui jugeaient, tnel- laient en prison, condamuaient a l'amende ou au fouet a leur bon plaisir. Faire la moindre représentalion contre ce qu'ils ordoiinaienl élait qualifié par eux d'opposilion systématique, et celui qui se le permettait élail designé par la qualiíicalion d'op- posanl : termo et qualiíicalion qui suííisaieni pour atlirer sur la léte de celui qui avail osé se plaindre le plus brutal traite- uienl. L'adminisiratioii de la juslice était enlravée, lente et diffieile ; elle n'avait ni degré, ni recours, sinon au dictaleur qui l'avait concenlrée dans ses mains, et, par un inexplicable sysléme, al>sorbait les procés et paralysait les alTaires. Malheur á qui- conque laissail échapper la moindre pluinte contre ees délais saris fin de la sentence. Le dictaleur était inaccessible ; on ne pouvait arriver jusquá luí que par pétition, qu'il faliail remetlre á un ernployé sui gp- neris, sans titre ni fonclions connues, que Francia appelait actuario, comme qui dirail préposé aux artes, lequel recevait ou refusait la requéle, suivanl ses caprices ou ses aí'feciions. Si I'enere n'élail pasassez noire, si le papier n'élait pas assez lisse, si quelque expression, encoré qu'usuelle el eouranle, n'élait pas comprise par cet agenl ou sonnait mal ¿i son oreille, cela suf'íisail pour qu'il rejelál la requéle; il faliail en Taire une autre. Dans une occasion, cet employé relusa trois ibis la pétition d'une personne trés honorable, sous prélexte que l'encre élail trop Manche, quoique des la seconde copie on se füt servi de l'encre que lui-méme avait daigné indiquer comme se vendant dans lelle boulique. Cet actuario se diverlissait a reteñir les prétendants dans la rué devant sa porte, au soleil et la léle découverie, attendant son apparition pour apprendre de sa bouche si leurs requétes avaient élé dépéchées. Souvent, il augmenlait ce diverlisse- menl en s'esquivanl par une porte de derriére, trouvant uia- liére de risée et plaisanlerie dans le désappoinlement de ees pauvres gensqui l'atlendaienten vain pendant plusieurs heures. Ni le rang, ni l'áge. ni la vertu, ni ríen de ce que les hommes— 14 — — 15 — en societé entourenl de vénération, M metlaient a l'abri des in- solences que la mauvaise huineur de cel employé laisail pleuvoir sur la tole des ciloyens Ies plus respectables. Le diclateur n'igno- rait lien de ce que Iaisait son agenl et applaudissail á tout. C'élait comrae un gage de la fidélité de celui-ci, en méme lemps qu'un nouveau moyen d'avilissement des ames el du maintien do la terreur, qui formaienl les deux grands ressorts de son autorilé. II semble que le diclateur, ainsi que ses employps ct satel- lites de loute classe, n'aienl pas cu d'occupalion plus importante ni de plus vif plaisír que de de'couvrir ou d'invenler des inoyens de mortifier leurs compatriotes, de les vexer et do Ies ruiner. De méme qu'en Chine, Cantón étail jadis la seule ville accessible au commerce élranger, au Paraguay, llapua, aujourd'hui Ville oint qn'ils se laissérent doniiner par une apathie et une insensibililé incurables, et en vinrent a n'avoir d'autre préoccupaliou que celle de sauver leur vio et leur liberté. Beau- coup se coníinéi-ent volontairement dans leurs maisons de cam- pagne, en évitant aulant que possible Joute commuuication au dehors Dans le premier veuuquis'approcbaildelui, rimaginalion du Paraguais lui montrail un délaleur, el sa premiére ponsée était de se renfermer dans une oxcessive méfiance, dans un mu- tisme complet, pour sauver sa précatre el pénible oxistence. Les jeuhes gens, sans oceupation, sans disíraclions honnétes, ne pouvanl échapper a l'oisivelé par í'instruction, se livraient pour la pluparl avec l'ui eur aux jeux de hasard et aux coui tisanes, el dissipaient ainsi leur faiblo fortune avec leur sanlé. Pour la premiére fois on vil au Paraguay ce dont il n'y avait pas encoré eu d'exfmple, le suicide de plusieurs individus : acte de déses-— 16 — poir aussi répugnant que possible au caractére tlegmalique et resigné de ses babitants. Un tel état de choses devait avoir pour infaillible résultat la pauvrelé, la misére et l'ignorance la plus profonde ; et ce fut ce qui arriva. Tout le monde ne songea qu'á s'isoler autant qu'il le put; on s'empressait de renoncer au seul plaisir, á la seule voie de culture de l'esprit que la société pouvait offrir dans la fréquentalion franche et fréquenle des voisins et des cormais- sances; on se privait des visites et des conversations, méme entre parents et sur des intéréts de premiére nécessité. G'est ainsi que tout esprit public, tout sentiment de bien general s'é- teignit. Un individualismo concentré prit la place de ce senti- ment noble el généreux que l'on appelle patriolisme. II y avait á i'Assomplion, du temps du gouvernement espa- gnol, un collége. On avait fait du local une caserne en 1810, á l'approche de l'expédilion dont la Junte de Buénos-Ayres mena- cait le Paraguay. Toutefois l'établissemenl coliégial avait été transféré dans une maison parliculiére. Sans doute, l'éducation que la jeunesse recevait dans ce collége était défectueuse, peul- étre méme mauvaise ; inais entín c'était quelque chose. Le dic- tateur Francia laissa lomber les eludes ; le collége disparut sans qu'aucune espéce d'élablissement d'éducalion, méme primaire, le remplacát. On est en droit de supposer que Francia considé- rait l'ignorance comme la base la plus ferme de son autorité, comme un élément de prospérilé publique. Gráces pourtant au désir, aussi véhément que général, que les Paraguais ont de s'inslruire, quelques parlículiers soutinrent un cerlain nombre d'écoles primaires dans la capitale et la campagne ; mais jamáis ils ne recurent le moindre secours du gouvernement, qui ce- pendant avait saisi les anciens revenus du collége et en díspo- sait á sa guise. Lediclateur n'a jamáis rien fait pour 1'amélioration raatérielle du pays. Gependant, s'il se íút lancé dans cetle voie, il aurait au moins apporté quelque compensation aux innombrables maux dont sa singuliére maniere d'administrer a frappé le pays. Aucun monument, aucune institulion ne reeommande sa mé- moire. Elle ne peut s'attacher qu'aux ruines qu'il a laissées. — 17 — Villa Real ou la Conception, ville antérieurement populeuse, riehe, active, est restée presque vide d'habilants et comme frap- pée de mort par les invasions des Indiens sauvages el l'anéan- tissement du commerce. Villa Rica, encoré plus peuplée que la premiére, quoiuue son commerce füt moins actif, a décliné á tel point qu'une partie de son lerriioire est redevenu désert. Le dictateur s'élait mis en léte de rectifier l'irrégularité des rúes de la capitale. L^s propriétaires dont les maisons se trou- vaient en dedans des alignements, tracés sans aucune connais— sanee scienlifique, sans aucune étude des accidents du terrain, par un malbeureux macón, élaient obligés de lesdémolir. L'o- pération faite, venail une reclificalion des premiers alignements : il fallait augmenter les démolilions ou rebálir ce que l'on avait abattu. La capitale se (rouva bienlót remplie de décombres, eí avec bien plus de vides et de masures qu'auparavant. Toutes les églises de la capitale, une seule exceptée, se Irouvaient eo état de dégradalion et perdaienl leur aplomb. Le diclaleur se contenta de les faire étayer, car il paraít qu'il n'avait que de l'indifterence pour le cuite public, et ne faisail que peu ou point de cas de son importance et de l'influence qu'il exerce sur la moralité des peuples. Aprés sa mort, on fut obligé de démolir ees églises, crainte des accidents. Quant aux places et aux chemins, l'herbe et les végélaux les envahissaient, signe trop évident d'inaclivité et du peu de circulalion. En 1836, il se déclara une épizoolie sur la race bovine. Les bestiaux se couvraient de myriades d'insectes connus en Amé- rique sous le nom de carrapalos (ixodes), qui les exténuaient au point que plusieurs succombaient. On raconle que le dicta- teur, pour en préserver les troupeaux du gouvernement, re- courut au singulier expédient d'ordonner qu'on luát tous les troupeaux des parlículiers aussilót que l'infection des carrapa- los s'y déclarerail, quand méme il n'y aurait qu'une seule téte infeclée, et quelque nombreux qu'ils fussent. De pauvres culti- vateurs, qui ne possédaient que quelques paires de bceufs de labour et quelques vaches lailiéres, s'en virent privés sans commisération. Pour que la luerie fúl plus active, on détachait de forts partís de soldats, bien fournis de munitions, qui ou» 2— 18 — vraionl le fon sur les besliaux condamnés lorsqu'ils élaient en grossos troupes. Si les te'moins olilique de ce pays; mais permellez-moi auparavanl de m'arréter quelque lemps sur un point qui n'est pas étranger au sujel. Je désire appeler un mouient voii e allention sur l'origine et la cause des jugemenls conlradicloires el des renseignemenls en sens díame- tralement opposé que l'ou a coutume d'énoncer el de répandre sur l'étal social, politique el adminislratif des pays nouveaux. Pendant mon séjoui- au Paraguay j'ai élé en rapport avec plusieurs élrangers, enli-e autres MM. Goi don el Graham, el j'ai remarqué que, chez ceux mémes qui paraissaient les plus ca- pables de bien observer el de juger avec iinparlialilé, il exislait des opinions et des biées préconeues , un credo polilique for- mulé d'avance, un modele ou protolype adopté par leur es- prit, qui leur laisait porler sur les choses el les homrnes des jugemonts falsifiés fmÉ ees idees favoriles, par cel ideal de pré- dileclion. Tout ce qui ne ressemblait pas a ce que l'on rencontre a Pa- rís, á Londres, a Philadelphie, n avait pour eux aucune valeur,— 36 — ou plutót ne mérilait que leur mépris. Leurs idees, leurs opi- nions, les modeles de leur choix étaient la regle invariable, l'é- talon, pour ainsi diré, auquel ils soumettaient les usages, les institutions, les hommes de tous les pays. Chacun juge, approuve ou censure hommes et choses, suivant qu'ils se rapprochent ou s'écartentdu modele qu'il a dans l'esprit. Au Paraguay, point de journaux, de chambres, de débats, de cafés, de cercles poliliques, de partís, et celui qui regarde ees ingrédiens comme le condiment indispensable de toute société cullivée pense et dit que le Paraguay est un pays mort, demi- sauvage, qui, bien loin d'avancer, retrograde. Un autre, qui observe que l'on ne permet aux étrangers de pénétrer dans l'intérieur du pays qu'au moyen d'une autorisation spéciale qu'il n'est pas facile d'obtenir, et en oulre que quiconque passe de- vant une sentinelle doil se découvrir, declare qu'au Paraguay on morlifie les individus, qu'on y géne le commerce par des précautions et des formalités puériles, et que l'on n'y laisse pas au travail et au trafic la liberté nécessaire pour prospérer. II serait inutile d'objecler á ees détracteurs que de telles reslric- tions, nées des circonstances poliliques, sont transitoires, et qu'elles disparaitront en méme leinps que les circonstances qui les ont fait établir. Rien ne les convaincrait. Ce sont des aboli- tionistes, et tout ce qui s'écarte des doctrines de celte secle est abominable á leurs yeux. Cet autre pense que le gouvernement du Paraguay se donne des airs asiaiiques, qu'il gouverne beau- coup trop, qu'il s'ingére bien plus qu'il ne devrait dans les af- faires parliculiéres, qu'il ne maíntient pas dans toute son am- pleur le fameux laissez faire et laissez passer. Un troisiéme, qui se pique de bon ton, qui se croit un modele d'urbanilé et de bon goút, et qui trouve de la froideur, de la simplicité, peu de cérémonie dans l'abord desgens, regretteces poignées de main qui démanchent les bras et brisent les doigls, ees baisers de bonjour et d'adieu qui donnent des nausées aux estomacs un peu délicats. Tous ees messieurs, sans s'importer des circons- tances spéciales du pays, le quittent en passaut et en procla- mant que le Paraguay est un pays oü il est impossible de vivre et d'oü l'on doit prendre la fui te. — 37 — Un Franjáis doué d'un bon entendement et assez instruit me disait que les écoles primaires du Paraguay ne valaient rien, parce qu'elles n'étaient pas montées suivant la méthode lancas- trienne. M. Gordon ne pouvait comprendre qu'il put exister au Para- guay de fortes préventions contre la vaccine, sans songer qu'il a fallu beaucoup de temps et de peine pour faire adopter ce pré- servalif bienfaisant par l'Europe, depuis si longtemps policée. M. Graham se monlrait fort scandalisé de ce que l'on ne pút voyager dans iinlérieur sans passeport, attendu qu'aux Etats- Unis personne n'avait besoin de passeport pour voyager. Ce méme M. Graham prenait pour des preuves d'ignorance et de pauvreté l'emploi des charrues de bois, et un sourire de dédain était toute sa réponse quand on lui objeclait que c'était plutót á cause de la qualilé du lerrain, extrémement meuble , que par indigence, que l'on en agissait ainsi. Pour achever de vous convaiucre du degré de partialilé au- quel les idées et les opinions préeoncues peuvent entrainer, preñez la peine d'ouvrir le tome dernier des Mémoires tirés du portefeuille d'un homme d'élat, et vous trouverez a la derniére page un panégyrique pompeux du dictateur Francia, de ce méme homme dontje vous ai esquissé les acteset ¡'administra- ron dans ma preiniére lettre. L'auleur de ees Mémoires était, sans nul doute, uc homme de talent, trés-capable de bien juger les hommes et les choses; mais c'était un absolutiste inébran- lable, et sans autre raison íl fait du dictateur un éloge supérieur á ce qu'il dit de Pitt, de Slein et d'Haremberg, auxquels il n'é- pargne pas les éloges. Cet auteur ne pouvait connaítre le dic- tateur. ni ses actes, car, s'il les eüt connus, élant, comme on doit le supposer, homme de bien, il n'aurait pu ni applaudir, ni louer un personnage qu'il aurait reconnu n'étre qu'un fou fu- rieux. Quoi qu'il en soit, il a comblé Francia de louanges, et l'on doit prudemment penser que ce n'est qu'a cause du litre de dictateur, synonyme de pouvoir absolu. Voyez si l'on peut don— ner une meilleur preuve qu'il existe des afflnités dans le monde moral et politique comme il existe des aífiiiilés chiiniques dans lemonde physique.— 38 — Je ne prétends pas diré ni vous persuader que le gouverne- ment du Paraguay soit un gouvernement parfait oii l'on ne puisse noler ni erreurs ni fautes. Mais malgré ses défauls, ce n'en esl pas moins un gouvernement d'aniélioration et de nrogrés, avec des tendances civilisatrices, dont le but est d'élever son pays au degré de prospérité ct de liberté dont il est susceptible. C'etait ce que vous désiriez savoir, et c'est ce que les acles de ce gou- vernement démontrent. Je vais done vous exposer ees actes, pour que vous soyez a méme de juger par vous-móme. Les er- reurs et les fautes ne dénalurent pas le caraclére d'un gouver- nement s'ils ne sont pas lefruit d'un sysléme. Erreurs et fautes se rencontrent dans lous les gouvernemenls. Elles ne sont que .trop fréquentes, méme chez les plus avances. Qu'y a-t-il done d'élonnanl a ce que le gouvernement du Paraguay en commette? L'expérience et le temps corrigeront et réfomieront au Para- guay ce qu'il peut y avoir d'erroué et de défeclueux, conime on s'est corrige dans les autres pays. De ce que le gouvernement du Paraguay ait ses fautes et ses erreurs, on nedoit pascouclure que ce soit un pays serni-bar- bare qu'il faille fuir. Une pareille conclusión prouve seulement que celui qui l'a déduile n'avait pas la liberté d'espril néces- saire pour bien juger, et que ses préventions l'ont einpéchéd'a- voir égard a ía position parliculiére du Paraguay, aux résis- lances qu'y enfanlenl une Iraditioii rouliuiére, les coutumes, les préjugés des masses, éléments á travers lesquels le gouver- nement acluel avait a poursuivre son oauvre. Les circonstances inodiíient la politique et la conduile des gouvernements et la maniere d'administrer. Les principes et les máximes des scien- ces morales, poliliques et économiques, n'en sont [>as encoré arrivees a ce degré d'évidence, de clarté, de précision matlié- maliquc, qui les reudrail absolus, invariables, uuiversels , au point que le systeme politique qui gouveruerait un pays pút exactoment s'appliquer á lous Ies autres. De la vient que ce qui a Paris , a Londres, a Philadelphie, passe pour li- berté ou inslitulion utile, est qualiíié a Yietine, a Jíerlin, a Sainl-Pélersbourg, de licence ct d'innovalion daugereuse. Cetle máxime inéme du laissez /'aire et laissez passer, si iéconde et \ — 39 — bienfaisante, comme l'expérience l'a prouvé, devienl aussi fausse que périlleuse, poussée a ses derniéres conséquences, comme on prélend le faire á présent. « Oíi en serail la Russie, » dit un écrivain de cette nalion, si son gouvernement eúl tou- » jours laissé faire et laissé passer? Si un grand houime, quand » il brisa les cbaines de la barbarie, ne lui avait pas dit : Mar- * che, fais ceci, absliens-loi de cela, la Russie en serait, hélas ! » oü en est tout l'Orient. » J'en reviens a mes renseignements. Mais vous me permottrez de les ajourner jusqu'á ma prochaine leltre, que j'ccrirai sous peu de jours. Croyez-moi cependant, etc. Baénos-Ayres, le ss févricr ists. Monsikur— a Río de Janeiro. Dans vm lettre anlérieure, du 16 de ce mois, aprés vous avoir mis au fait, autant qu'il m'a élé possible, des principes, de la tendance et du caraclére du gouvernement du Paraguay, je me suis engagé a continuer mes renseignements sur les autres points que vous désirez connaitre. Je poursuis done ma tache en commencant par ce qui a rapport á la conslilution politique du Paraguay. Si parce motón enlend ce que l'onappelle loisfondamenlales, en tant qu'elles établissenl et définissent les divers pouvoirspu- blics, leurs attribulions, leurs devoirs et leurs préi ogatives, ainsi que les garanties publiques el les droils poliliques des ci- loyens, le gouvernement consulaire existe sans conslilution. Je yous ai dit déjá que le congrés s'eu élait remis enliérement á la conscience et aux lumiéres des consuls, et que le régime élait provisoire et purement personnel. Jusqu'au gouvernement con- sulaire inclusivemenl, il n'y a eu au Paraguay d'aulre constitu- tion que celle en vigueur durant le systeme colonial. La mo- narchie a été abolie el on la remplaza par un gouvernement— 40 — populairemenl élu ; niaisregouvernement s'altnbual'investiture do tous los pouvoirs, facultes el prérogalíveg qu'avail eus le mon arque espagnol, de so ríe qu'il n'y out pé a cette transition violente et súbito, et que la Pro- te — vidence lui a foutni la chance, plus favorable encoré, d'un gouvernement qui se moni re doué de capacité, de bonne volonlé et d'une lendance bien prouvée a guider la nation dans la voie de cet apprenlissage préalablement nécessaire, ou, pour mieux diré, indispensable, rendons gráces a la Providence et félicitons 1'humani.té d'un évéueinent qui á-la-fois écarte de cette porlion de l'Amérique les calamilés par oü toules Ies autres sont passées, et donnera au monde la preuve pralique de ce que vaut et peut produire le progres gradué et rélléchi dont les gouvernemeuts dirigent les ressorts. Je (ais des vceux bien sinceres pour que le Paraguay persévé- re dans celle voie prudente et circonspecte oü ¡1 est entré; car elle lui fora prendre l'avance sur Ies républiques voisines, pour en arriver a une ampie et solide liberté publique. Quand la so- ciélé marche, encoré que ce soit a pas de tortue, quand il y a tendance bien prononcée vers le progrés et le perfectionnement, quelque lents el mesures que soient les moyens, il mo sendjle qu'il y aurait folie, ou plutól criminalité, aprés tant de lecons et de désillusiounements, a vouloir lui imprimerun mouvement subit et violent, dont les eflét.s_, <|u'il est impossible de calculer, sont toujours désaslreux, et, loin de favoriser le travail de la civilisatioti, le délruit ou le paralyse ¡ndéGniment. Que le gouvernement du Paraguay continué á maintenir el a proteger la liberté civile et la sürelé des personnes; qu'il laisse le travail, l'industrie et le commerce en pleine liberté; qu'il ré- pande avec sollicitude rinstruclion parmi ses conciloyens, et personne, d'ici a de longues années, ne s'iuquiétera de liberté politique et de garanlies publiques; et quand on arrivera a s'a- percevoir qu'elles font dél'aut, c'est qu'alors on sera a rnémo de les apprécier el d'en faire bon usage. L'exercice des droits po- litiques, le sysléme représentatif dans toute sa plénitude, si pur el si saint dans ses principes, si admirable en théorie, est diffi- cile ou pour mieux diré ¡mpossiblo chez les peuples qui n'y sont pas prepares et qui ne peuvent l'apprécier. Le lbnd de la population ne prend aucun intérét a ce sysleine, et le reste de la nation le trouve onéreux et répugnaut. Jelez un coup d'ceil sur tout le niidi de l'Europe el sur l'Amérique, et dites-inoi si ce que l'on y remarque ne confirme pasmón assertion.— &A — Je ne me dissimule pas que vous et bien d'autres me feront observer que, selon mes idees, tout le systeme repose sur les personnes el non sur les insiilulions; que celles-ci pourtant sont stables et durables et les personnes transitoires, et que par couséquent, c'est sur les institutions que les systémes politiques doivent élre fondés. Ne vous en preñez pas á mes idees, Monsieur, mais á la nature raéme des choses, si elles se pré- senlent avec cet aspect défectueux. Longtemps encoré en Amé- rique Ies iníluences personnelles prévaudront contre les lois, les institutions et les choses. Quand les peuples sont en émoi, quand ils subissent des mutations et des aitéralions fréquentes, les lois et les choses sont aussi transitoires que les personnes. C'est ce qui s'est vu dans loutes les parlies du monde qui se sont trou vées dans une silualion pareille ou approchanle á celle oü l'Amérique se trouve. Mais c'est beaucoup parler de constitulions et trop s'écarter de mon sujet; il est lemps d'y revenir. Le congrés de 1844-, aprés avoir voté cette loi conslitution- nelle, et en vertu de ses dispositions, élut pour président l'homme qui quittait íes fonclions de premier cónsul, D. Carlos Antonio López. J'ai été téinoin de cette élection, et je puis vous cerlifíer qu'elle a été lerésullat d'un vote unánime, indépendant de toute caplalion, de toute intrigue, choses jusqu'á présent tout a fail étrangéres a la polilique du pays, que j'ai félicité au sujel de ce choix, parce que M. López ayant été l'auteur et le son t ion des réformes et des amélioralions faites sous le consulat, sa nomination m'était une garanlie qu'il persévérerait dans cette marche de progrés, qu'il avait entreprise avec une louable réso- lution non moins qu'avec une extréme prudence. Ce que j'ai été á méme d'observer dans les quatre premieres années de sa présidence a juslifíé mon espérance et mes previ- sions. M. López a suivi sans dévier son systéme d'amélioralion el de progrés bien mesuré. Malheureusernent, des événements politiques exlérieurs, en relalion intime avec les aflaires du Pa- raguay, vinrent entraver la marche du gouvernement en appe- lani son attention sur des objets d'un inlérél majeur. Quand le gouvernement eonsulaire alteignit l'époque légale de sa clólure, les conlestations avec le gouvernement de Buenos- — &5 — Ayres, au sujet de la reconnaissance de l'indépendance, étaient encoré pendantes, et la province de Corrientes était en guerre ouverte avec ce gouvernement. Cet état de guerre d'une pro- vince conligué au Paraguay rendait la situation de celui-ci tres délicale. Le gouvernement du Paraguay avait adopté et gardé une rigoureuse neutralité dans ce conílit ; mais la position géo- graphique que Corrientes occupe sur l'cmbonchure de la ri- viére du Paraguay, et au point méme oü doivent forcément passer Ies bátiments qui descendent ou romonlent cette riviére, rendait inévitables des contacts et des frottemenls d'oü pou— vaient jaillir des élincelles propres a produire un incendie. En octobre de cette méme année 1844, un nombreux convoi, sous pavillon argentin, remontait le Paraná. Le gouvernement de la province de Corrientes s'empara de ce convoi sous pré- texle qu'il portait pavillon ennerni. Or, dans ce convoi, il y avait des propriétés de sujets et de citoyens de la République du Paraguay, auxquels le gouvernement devait proteclion. Le pré- sident López réclama ees propriétés, en se plaignanl du procédé du gouvernement de Corrientes. Celui-ci chercha a éluder les réclamations du gouvernement paraguais, et les choses en arri- vérent jusqu'au point d'une rupture, qui heureusement n'eul pas lieu, le gouvernement de Corrientes ayant restilué les pro- priélés paraguaises, et ayant conclu une convention qui sauve- gardail le commerce légal et de bonne íb¡ du Paraguay de tous nouveaux empéchements et préjudices, et garantissail les pro- priétés argentines naviguant sous pavillon paraguais. Le peuple paraguais, malgré son ílegme ap[>arent, est le peuple le plus susceptible et le plus délicat en maliére de ce qu'il considere coinme prédomination, supériorité ou influence des étrangers. II altribue á mépris l'acte le plus indifférent s'il choque ses habitudes, ses coutumes ou ses intéréls. Ces senti- ments et cette doctrine, fort encouragés par le dictateur, se sont profondément implantés chez lui. II a done regardé comme dictes par le mépris certains décrets de Buénos-Ayres, qu'il aecuse de s'arroger le droit de lui donner des ordres, et il s'en est vivement offensé. Les Paraguais ne manifestent pas leur res- sentiment par des paroles ou des cris i ils sont trop concentrés— &6 — pour cela. Les plus vives, les plus poignantes émolious ahereut rareinenl l'expression babiluelledeleurspliysionomies sciieuses et impassibles. Mais ils ue laisscut écbapper aucune occasion d'exprimer par des monosyllabes, des gestes ou des aclions plus énergiques que les paroles, ce qu'íls ont au fond du cceur. Ces décrets firent revivre les vieilles préventions, ranlipathie contre les tagücs, sobriquet de quiconque n'esl pas Paraguais, et l'exaspératioa publique s'accrut encoré au vu du niessage du gouvernement de Buénos-Ayres qui suivit les deci els, et des pu- blicalions des journaux de Buénos-Ayres qui comballaient ex- plicitenient l'indépendanee du Paraguay. En conse'quence, Ies événements se compliquérent au point d'aniener une rupture. A l'bostdilé que les décrets de Buénos- Ayres exercaient contre l'imporlation des produits du Paraguay, celui-ci répoudit par un manifesté de guerre et unit ses íbices a celles de Corrientes. Cet épisode est élranger a mun sujet ; les événements d'ail- leurs sont lout récents et trop connus pour que j'aie besoin de m'en oceuper. Je dirai seulement que celle rupture est reslée comme non avenue, ayaul élé replátrée par un expédient assez curieux el singulier. Le gouvernement de Buénos-Ayres donna ordre au general Urquiza de ne pas envahir le lerriloire para- guois, et le gouvernement paraguais, par décret du 15 septem- bre 1846, déclara que les dioses demeuraient sur le pied oü elles se trouvaient avant le manifesté de guerre, c'est—á-dire que le Paraguay restait neulre au milieu des conílits dé la Ré- publique Argentine. Gependant la queslion de l'indépendance, fortemenl combal- tue par Ies journaux de Buénos-Ayres, non moins forlement dé- fendue par ceux du Paraguay, restait en litige. II n'y avait pas guerre ouverie ; mais les méíiances, les craintes, les inquietudes qu'enfantent toujours les questions d'un grand inlérét polilique, quand on les discute avec tant de chaleur et qu'on les pousse a des termes si inconciliables, ne pouvaient manquer de sub- sister. Tout devait se ressentir d'un état de choses aussi incertain. Le gouvernement éiait forcé de déiourner son attention des — M — améliorations intérieures ; le commcrcc el le travail n'avaienl plus la sécurité et la libre action si nécessaires á leur dévelop- pement. Aussi le IraQc s'amoindril-¡1 et se réduisil á des paco- tilles, parce qu'oü il n'y a pas sécurité, personne ne risque des capilaux impoMants dans des opéralions commerciales ou in- duslrielles qui dépendenl de l'avenir. Le travail et la produc- tion ne purenl prendre d'aclivité el d'extension, parce que Ton avait a craindre une suspensión aussi soudaine que com- plete. Ou admettail les báliments argentins a la navigation du Pa- raguay sans leur permeltre de dépasser le port du Pilar, comme point oü la pólice pouvait se Caire avec plus de facilité et d'effi- cacilé ; mais le gouvernement du Paraguay ne permetlail pas la sortie de bíilimenls et d'équipagcs paraguais, pour éviler qu'ils ne fussent considérés dans los porls argentins comme propriétés et sujets argentins en verlu des décrets de Buénos-Ayres, et comme lels soumis aux cbarges et obligalions que ce gouverue- ment pouvait imposer aux Argentins. Au milieu de lant de dificultes et d'embarras, le président López ne perdit pas de vue l'inléret et la nécessilé que le pays éprouve s qu'elles devraient avoir; et le Paraguay se voil arrélé dans sa carriérc d'amélioralion, de progres et dn production. On n'apercoit p is, eoinin« je l'ai dit, de termo a ees maux. Le peude par¡»guais est fauaiique en fail d'indépcndance. Reve- nir sur ce qu'il a prononcé a cet égard , n'entre pas dans son — 51 — esprit. Pour luí, la dislinciion entrel'indépendance pour Ies al- faires intérieures avec deprndance pour les inléi és extérieurs, el l'inlépendance absolue, est une suhlililéqui n'est pas íi sa por- tee. Le gouvernement n'a falt qui; suivreune impulsión qui l'au- rail entramé s'il avait voulu y résisler, en íaisanl lous les pri- paratifs necessaires pour braver une allaque. Vei s le mil¡eu Je 1847, les ruineurs d'une nouvelle ruplure, entre Buéuos-Ayi es el Corrientes,prirent de la consistance. Le piésident López jug- a prudent de se teñir pi él pour tout cas advenant, ordouna la eréalion d'une armée régnliére, el fil di.q>oser d«s campa d'ins- trurtion. II fs principes el les bonnes mélbodes de culture qui améliorent et déruplent les récolles. On eludiera les avantages que la ferlilité et les circonstances favorables du pays offrent íi l'applicalion des capilaux et des procedes srienlifi- ques, et l'inti oduclion de ees deux puissants éléments de pio- duclion lui imprimeront l'élan nécessaire. Avant tout il faut creer de nouveaux besoins, de nouveaux goúls, qui slimuleut le travail el l'aclivité; car il faut nécessairement produire de quoi éetianger contre les objets que ees goúls et ees besoins rendent indispensables. Si les productions du Paraguay s'élévenl a la proportion que comportent son étendue, la fécondilé du sol, le nombre de bras qu'on peut eroployer et les perfectionnemcnls que la science agronomique a pai lout réalisés, elles seronl aussi ahondantes que variées. L'herbe ou thé du Paraguay, Ilex mate Par aguar tennis (Saint- Hilaiie), n a pas d'auires consommatours que Ies habitanls des républiques Argenline el Oriéntale. Depuis quelques annees on en fail usage sur quelques-uns des bátiments auglais qui navi- guent dans la Plata, en place du ihé chinois ; < lj'a¡ remarqué que Ies Anglais en atmaient le goút et eu appréciaienl le hon marché. La produclioo n'en est pas aujourd'hni aussi considérahle qu'autrefois, le Paraguay sVinnt si longl<-mps bizqué lui-méine; mais elle peut augi:enler beaucoup en peu de teuips si le gou- vernement la vori se, par des mesures bion prises, la préférence que Yherbe de production paraguaise ohtient sur tou^ les mar- ches oü e'le se trouve en conruircnce avec ced e de Parnagua el des Missions, tant part e qu'elle se conserve mieux, étant mieux conditionnée, que par Pexcellence de son aróme. L'é- tendue des terrains que couvrenl les bois de cet arbuste est in- commensurable. II rebourgeoime et donne une récolle lous les deux ans. Les memes considérations peuvent s'appliquer a la produc-r— 6& — tion du tabac, dont l'Europe i'ail aujoürd'hui une sí grande consommation. Je sais qu'un spéculaleur s'est ronda au Para- guay avec l'idée de s'y procurer cet article pour le fournir a la régie francaise. Aussilót que les Paraguais cultiveront, prépare- ront mieux le labac, ce qu'ils obtiendront pour peu que quel- qu'un s'occope de renouveler fréquemment la graine, chose dont aujoürd'hui personne parmi eux n'est a méme d'apprécier i'imporlance; aussilót qu'ils dresseront les rouleaux d'une ma- niere plus inlelligente, de sorle qu'il y ait économie et facilité pour l'exportation, la demande de cet article s'élevera á des millions de livres. La qualité du tabac paraguais, de l'aveu des connaisseurs, se rapproche beaucoup de celle du tabac de la Ha- vane, si elle ne Fágale pas. L'article des bois de construction est une autre branche de' richesse d'une irnportance incalculable, et dont le Paraguay aura la fourniture presque exclusive pour les Républiques Ar— gentine et Oriéntale par les facilites et l'économie qu'on y peut mettre dans son exploitalion. Les qualilés et les varietés des bois qui remplissent ses immenses foréts sont bien supéríeures a tout ce qu'on importe en ce genre dans la Plata des États- Unis, du sud du Brésil et d'Europe. Je suppose que, dans le nord du Brésil, on trouve des bois capables de faire concurrence a ceux du Paraguay; mais certainement l'importation de ees bois dans la Plata serail d'un prix disproportionné, comparé au bon marché de celle faite du Paraguay. La canne á sucre, dont aujoürd'hui la culture ne se fait au Paraguay que sur une pelite échelle, y est tres riche en raaliére sucrée et d'une qualité supérieure. G'est un article de pre- miére nécessité pour le monde. Tout le sucre produit dans les Indes, aux Anlilles, á la Havane, aux Etats-Unis, au Brésil, ne suffit pas á la consommation de l'Europe; au point que la scienceet l'industrie se sont mises a extraire du sucre de divers produitsdu régne vegetal, telsque la belterave, l'érable, et des palmters de plusieurs sorles. Ainsi done, quelque portion de sucre que le Paraguay püt produire, il ne remplirait pas le dé- ficit de la produciion eu égard a la consommation, mais il contribuerait pour une quantité considérable. — 65 — Ce n'est pas seulement la grande étendue de terrain que le Paraguay peut consacrer i l'industrie sucriére qui doit lui faire espérer que cette industrie y deviendra tres lucrative, mais la fértil i té et la qualité de certaines localités qu'on a reconnues éminemment favorables á la canne, tandis que la proximité de . riviéres navigables faciliterait le transport des produits. Enfin le combustible partout á bas prix et le bon marché de la main- d'ceuvre achéveraient d'offrir á cette exploitalion la réunion de tous les avantages. Je vous ai averti qu'au Paraguay il élait pour le moment im- possible d'évaluer la quantité que produit une surface détermi- née de terrain; mais on s'est déjá assuré que la canne plantée dans certains sois privilégiés est supérieure par la forcé et la qualité du grain. Les terrains qui bordent le Paraguay et ses affluenls en remontant la riviere depuis Assumption jusqu'a Con- ception, ainsi que les rives de Y Apa, terrains situés sous le tro- pique méme, produisent une canne tres riche en sucre de pre- miére qualité. Les rives Idu Haut-Parana, district de Saint- Cosme, sont dans les mémes circonstances. Mais actuellement cette branche importante de l'industrie agricole se ressent des mémes défauts dont toute l'agriculture paraguoise est entachée. II n'y a pas un planteur qui fabrique 200 arrobas de sucre par an. II est vrai qu'un Paraguais pourrait trés bien répondre á cette observation par linterroga- tion que j'ai déjá cilée : Et pourquoi?... Et il aurait inconlesta- blement raison quant au passé, et méme pour le présent dans lequel on est entré. Mais ils n'auront aucune excuse á l'avenir 8'ils n'exploitent avec soin celte mine de richesse dont le pays est doté, qui demande surtout l'application des procédés scien- tifiques a l'aide desquels d'autres pays ont tiré tant de profit de cette ulile plante. Qu'ils améliorent leurs moulins, leurs chau- diéres, leurs fourneaux, qu'ils s'instruisent des principes chi- miques qui doivent présider á la manipulation du sucre, et alors, en vendant au quart du prix qu'ils demandent actuellement a la consommation intérieure leurs produits perfectionnés, ils ob- tiendront un plus grand profit. Le cotón doit aussi devenir un article important d'exporta- 5.— 66 — tion. Le cotón du Paraguay posséde Ies trois qualite's que les fa- brieants recherchent : longueur, finesse, forcé. Ua arlicle si précieux, et qui, duranl l'époque de l'incommuuicabililé, a oté i'unique ressource du Paraguay, est cepeiidant si négligé, que sa culture suffit a peine á la consoramalion intérieure, qui le paie a un prix exorbitant. II se trouve au Paraguay un arbre elevé et fort, qu'on appelle Samuhü, qui donne de belles capsules d un cotón jaune, tres doux au toucher, mais qui n'a pas de consistance, suivant les fiieuses du pays. Parmi les diverses espéces de colon, il en existe une qui a toujours fixé inon attcntion, parce que je n'ai pas entendu diré qu'on la trouvát dans d'autres pays producleurs de colon, ce qui me ferait soupconner que cette espéce est indigene. La plante est vivace comino le colonnier blanc, avec lequel elle ne présenle pas de différence sensible; mais son lainage est de couleur café et beaucoup plus fin et plus soyeux que le blanc. On cultive tres peu cette espéce, a cause, sans doute, de sa cou- leur qui, pourtant, pourrait, devenir un mérite aupres des fa— bricants pour certaines applicalions. Le tannage des cuirs, qui, autrefois, était assez considérable et fournissait des peaux de qualités supérieures, ne fait que re- natlre. Le Cebil ou Curupay, dont on emploie l'écorce, est, au diré des experts, la matiére par excellence pour cette opération. On trouve l'arbre en telle abondance qu'on ne peut s'empé- cher de s'en étonner. Le Paraguay n'est pas moins riche en subslances colorantes. Sans parler de l'indigo, qui passe pour aussi bon que celui de Guatemala, ni de la cochenille, il y a de certaines plantes et ra— cines dont les naturels extraient des teinlures qui, sans autre mordant qu'une faible dissolulion d'alun, donnent toules les couleurs et bien fixées. J'ai tenu dans mes mains de vieux larn- beaux de laine et de colon qui conservaient encoré toute la vi— vacilé de leurs couleurs. Entre toutes les plantes colorantes, il en est une admirable; c'est un arbusle trés muldplié,dont Ies feuilles, aprés une ma- eéraüon de quelques heures dans l'eau froide, laissent un _ 6* _ sédiment qui donne un bleu obscur d'une grande fixité. Qet arbusle s'appelle dans le pays Yriburelima , ce qui veut diré litléralemeul jambe de corbeau, probal)lemenl a cause du foncé de son bleu. La racine d'une autre plante rampanle nomme'e Acangay fournit une couleur écarlale. Combiun de découveríes el d'applicalions uliles n'obliendra pas ia science au poinl oú elle en est el avec les moyens dont elle dispose! On se sert au Paraguay de deux espiices d'Agaves ou plantes filamenleuses. Toules deux donnent une maliére dont on fait des cordes, et avec laquclle en oulre les Paraguais calfaient leurs embarcalious, comme remplacant admirablement 1 elou- pe. Incorruptible dans l'eau, d'une pesanteur spécifique moin- dre, cetie matiére est plus forte que le chanvre, suivant Ies expériences qu'un ofíicier de la marine espagnole, le capiiaine de frégale D. Joao José Aguirre, dit avoir faites en 1788enpré- sencede plusieurs officiers de marine, et qu'il a consignées dans yn mémoire manuscrit conservé á l'Assomption, dont j'ai pris Iecture. Je penseque ees produits, connus au Paraguay sous les noms l'une de Caraguatá, I'autre d'Ybira, trouveronl bien des applicalions et des emplois dans les arts et les manufactures. Au moins le Paraguay est aíFranchi de toute dépendance des fila- mentsdu chanvre pour l'entrelien de ses bátiments. Les gommes, les résines, les plantes medicinales, dont beau- coup d'espéces sont encoré inconnues á la Flore medícale, abondent au Paraguay. J'ignore l'usage et les applicalions d'un grand nombre de ees gommes et résines; j'en excepte le caout- chouc ou gomme élastique que l'on nomme dans le pays Atan- gaisi. On dit que les montagnes du Curuguali et Cuarepoti produisent en abondance l'arbre d'oü l'on tire cette gomme. Je n!ai jamáis eu occasion de voir cet arbre ; mais j'ai partout rencontré le Copahu et Aguaribay, dont on exlrait le baume dit des Missions. Dans le Haut-Paraguay la cannaíistula, la rhubar- be el Vorussi, se trouvent en abondance. Le riz et le manioc se recueillent en quantité, mais non pas avec l'extension que l'on devrait donner a leur culture, qui pourrait fournir deux imporlants árdeles d'exportalion et de commerce.— 68 — Le Paraguay ne donne pas seulement les productions tropi- cales que j'aidécritesetbeaucoup de farinacéesdont je n'ai pasfait mention, comme mais, grains de diverses sortes, pois-chiches et autres, ele. ; mais aussi des cereales et des fruits des régions tempérées, tels que ble, avoine, lin, péches et pomraes. Dans la Cordilliére, sorte d'épine dorsale montagneuse qui traverse une grande partie du territoire, régne généralement une tempé- rature analogue a celle des zónes tempérées. Le climat, qui a tant d'influence sur la prospérité d'un pays, est au Paraguay salubre, régulier et agréable. Quoique tropica- le, celte región est á l'abri des fiévres de la Havane et de la Nouvelle-Orléans, des tremblements de terre et des ouragans des Antillles et des autres pays tropicaux. Toute maladie endé- mique y estinconnue. A présent que je vous ai dit ce que le Paraguay produit et ce qu'il peut produire d'ici á peu de temps, il me semble que je tous ai mis en état de juger par vous-mérne si ce pays posséde ou non les moyens d'établir une prospérilé durable et d'alimen- ter un commerce important. Je dois seulement encoré vous fai— re observer que la situation d'un pays devant étre considérée comme un des grands éléments qui concourent á sa prospérité, celle du Paraguay est des plus favorables, encoré qu'il se trouve placé dans la partie la plus reculée de l'Amérique. II est baigué au sud par le Paraná, au nord par le Paraguay, deux riviéres navigables en toule saison par des bátiments de dix ou douze pieds de tírant d'eau. A l'orient, on arrive, en remontant le Paraguay, jusqu'aux montagnes du Brésil, dont les provinces les plus méditerranées, au moyen de cette riviére, ont des Communications fáciles avec la république du Paraguay. A l'ouest, les immenses déserts du Chaco séparent le Paraguay de la Bolivie, á laquelle on peut se rendre cependant par des ca- naux naturels de communication, aussi bien qu'aux derniers confins de la République Argentine. On atteint l'Océan par la riviére de Paraná et le íleuve de la Plata. Un pays semblableraent situé posséde dans sa situation seule un grand moyen de prospérité. Cette situation en fait le centre d'une intímense ligne de Communications, l'entrepót, la factore— — 69 rie forcée de toutes les denrées et marchandises d'importation et d'exportalion. Ajoutez-y que le territo»re du Paraguay est coupé dans toutes les directions par des riviéres navigables qui facilitent le transport et les relations des confins les plus recu- lés de la république jusqu'a la capitale et aux autres places de marché. A une contrée semblablement située, avec des productions á elle et d'importants arlicles de commerce, que manque-t-il pour prospérer? Rien que la paix et la liberté. La paix est le premier besoin du Paraguay comme de tous les peuples de l'Amérique; non la paix des tombeaux, cette paix immobile qui inspire la terreur, mais une paix qui fonde la justice et qui enfante cette liberté bienfaisante et tranquille, véritable vie des nations. Aujourd'hui le Paraguay, sans avoir la guerre, ne jouit pas de la paix. On y ressent des craintes et des inquiétudes. La ques- tion avec Buénos-Ayres au sujet de l'indépendance du pays et de la navigation du Paraná présente des obstacles á ce que la prospérité publique se développe avec la forcé et la prompti- tude qu'elle obtiendrait d'une sécurité compléte. Je pense que cette question ne tardera pas á élre résolue par quel- qu'arrangement. Vouloir la décider par la guerre ou rester dans cet état d'incertitude et de perplexité, c'est de gailé de cceur chercher sa propre ruine avec celle de tous. Dans cette ques- tion, de grands inléréts matériels de chaqué cóté sont compro- mis, et dans les cas de cette nature la raison et l'intérét public doivent l'emporter sur des intéréts mesquins d'amour-propre et sur les suggestions erronées de prétendues convenances poli- tiques. Si l'on pouvait faire prévaloir les vrais principes des sciences politiques, qui sont aussi des máximes de justice et d'humanité, principes enrichissant les pays qui les adoptent sans appauvrir los autres, quelle masse de trésors, quelles sources de pouvoir et de prospérilé pour tous les pays du fleuve de la Plata! Donnez la paix et la liberté áces beaux pays oü la nature s'est montrée aussi généreuse et aussi libérale que les hommes s'y sont montrés mesquins, et vous verrez le Paraguay ressusciter— 70 — et se rrlever plus vite que Lazare a la voix du Rédemptenr. Vous y verrez la culture fdre remire á la terre plus que ne ren- dent les mines. Vous y verrez le travail surgissaut de la sécu- rité des personnes et fies choses, la population s'accroissant, rinduslrie s'éveillant dans ce monde nouveau. Des sources de richesses jusque-lá inconnues s'y ouvriront; des relations de commerce fondees sur les intéróts reciproques se eréeront comme par enchantement. Enfin, vous y verrez la juslice pre- paranl les ciloyens a savoir jouir de la véiilable liberté. Eloi- gnez du gouver nement du Paraguay lfs inquietudes*qiij l'empé- chent aujourd'hui de donner a son pays l'iuipulsion qu'il désire lui donner, et vous aurez la preuve, au boíl de peu d'ánnées, que le Paraguay possede les moyens de fonder une grande et so- lide prospérité et d'aliinenter un conimerce gra ndiose. J'ai fail tolít ce qu'il m'élait possihle pour satisfaire les désirs que vous m'avez exprimes. Je vous ai dit la vérilé sur toutes choses. Je vous ai exposé mes idé^s. C'esl á vous de confi onter mes renseígnements avec ceuxqui out pu parveuir par d'autres voies. Comparez et jugez. J'ai l'honneur, etc. — 71 — DÉCRETS SDR LE TRAITEMENT 0ÜE IES ÉTRMGERS D01VEM TROliVER AU PARAGUAY, ET SUR LES PB1VILÉGBS ET RÉCOMPENSES DESTINES A CEUX QDI CONTRIBUERONT A DÉVELOPPEIV ET A ENCOURAGEK L'lNDUSTRIB ET LES AUÉLIOU VTlO.MS M.VTÉRIELLES DU PAYS. Le gouvernement supréme de la République : Considérant qu'il convient d'étendre et de cultiver des relations d'arailié, de bonne entente et d'harmonie avec les nations étrangéres, et par conséquent de porter á la connais- sance des aulorités nalionales le systéme que lui-méme suit et prétend faire observer, dans ce but, vis-a-vis des sujets étran- gers, en vertu et en conformité des lois fondamentales de l'état et de ses principes politiques et commerciaux, décrete que les- dites áutorités observent ponctuellement les dispositions sui- vantes : Art. i. Le gouvernement supréme de la République maintien- dra, comme principe général et inaltérable de ses relations politiques avec les puissances étrangéres, uneégalité parfaite et absolue, de maniére que, la oü il y aura identité de cas et de circonstances, il ne sera accordé á aucune nation des priviléges, fráñchises ou faveurs quelconques, qui ne seraient pas accordés á toutes les autres. /Art. 2. En conséquence, tout étranger, quel qu'il soit, pourra se rendre dans les porls de la République ouverts au commerce étranger, et y vaquer á la réalisation de ses transactions mer- cantiles avec pleine et entiére liberté. Art. 3. Quant a présent.et pour tout le temps pendant lequel le gouvernement considérera comme subsistantes les circon- stances quí l'ont obligé á déterminer certains ports pour l'ad- mission des étrangers, ceux-ci ne pourront s'interner vers d'autres points sans une permission spéciale du gouvernement. Art. 4. Tout étranger, durant son séjour sur le territoire de la République, jouira de la plus complete liberté pour coramen- cer et pour exercer son industrie ou son métier. II obtiendra pour sa personne toute protection et sécurité du moment que de son eóté il respectera les autorités et Ies Iois de l'état. Art. 5. Tout étranger est exempt du service obligé de terre et de mer, de toutes exactions ou réquisitions mili taires, de con- tributions extraordinaires, et ne paiera que cellos établies sur les nationaux, saufla légére différence que la loi consacre entre les nationaux et les étrangers. Art. 6. Aucun étranger ne sera persécuté pour cause de reli- gión, sous condition de ne pas exercer publiquement son cuité et de respecter la religión de l'état, ses ministres et ses céré- mohies publiques. Art. 7. Les étrangers ne sonten aucun cas obligés deconfíer leurs affaires á des agents ou courtiers. lis ont á cet égard les mémes immunités que les nationaux. Art. 8. Les capitaux, denrées et biens de quelque nature que ce soit, appartenant á des étrangers résidant sur le territoire de la République, qu'ils soient confies a l'état ou a des partículiers, seront respectés et inviolables en temps de guerre comme en temps de paix. Art. 9. En vertu de ce principe, reconnu dans l'article précé- dent, le cas advenant d'une rupture entre la République et une nation étrangére, les sujets el citoyens de cette nation, résidant — 73 — sur le territoire de la République, pourront y rester et y conti- nuer leur commerce et leur profession sans empéchement, en s'y conduisant avec la fldélité convenable, et en ne violant en aucune maniere les lois et les réglements en vigueur. Art. 10. L'exportation des produits du payspar les étrangers ne sera soumise a aucun autre impót qu'á celui payé par les nationaux. Art. 11. Le gouvernement supréme de la République peut faire sortir de son territoire, en temps de paix comme en temps de guerre, tout étranger dont la mauvaise conduite donnerait lieu a cette mesure, toutefois en lui accordant un terme raison- nable pour arranger ses affaires. Art. 12. Tout étranger résidant sur le territoire de la Répu- blique a droit de disposer de ses biens, soit par testament , soit dans la forme qu'il jugera convenable. Art. 13. Dans le cas de décés d'un étranger sur le territoire de la République, sans avoir fait de dispositions derniéres ou testa- ment, ses biens seront conservés, dans la forme que l'article suivant détermine, pour ses héritiers ab intesíato ou ses créám- ciers. Art. 14. Dans le cas de l'article précédent, c'est-á-dire du décés d'un étranger ab intestaío, le juge du district oü le décés a eu lieu, assisté de deux concitoyens honorables de la nation du décédé, et, faute de ceux-ci, de deux habitants du lieu, pro- cederá, dans le plus bref délai possible, á un inventaire minu- tieux de tous les biens du défunt, les conservera en lieu de súreté, et rendra compte du tout, avec l'inventaire a l'appui, au gouvernement, afin qu'il soit pourvu au dépót des biens suivant les exigences de leur nature. Art. 15. Ensuite on annoncera par la gazette ledit décés ab intestaío, pour que les intéressés en aient connaissance. Siquel- qu'héritier ou quelque créancier se présente, il justifiera de sa qualité aux termes du droit. Art. 16. S il ne se présente pas d'intéressés, ou que les délais— 76 — des procédures menacent d'amener la détérioration des biens, oeux-ci seront convenís en monnaie du pays, tlont dépót sera fail dans les caisses du trésorier ou receveur général, et sous sa responsabililé. Art. 17. Dans le cas oíi Ies ¡ntéressés ne pourront légalement juslifler la lé^ilimilé de leurs préteniions, ou ne se prcsenle- raient pas dans le laps do deux années, a daler de la publication ordonnée par l'art. 15, Ies biens en dépót seront adjugés au iré- sor national. Art. 18. Les biens qui seront remis á des étiangers ascendants ou descendanis legitimes d'élrangers morís aprés testament ou ab intestato, paieront dans l'acle de remise un impót de cinq pour cent. Quand ils seront remis h tout autre hé: itier étranger qui ne se rail ni descendant ni ascendant, en vertu d'un testament ou de succession ab intestato, l'impót sera de dix pour cent. Le présent décret, pour qu'il parvienne á la connaissance de tous, sera publié dans la forme légale et déposé aux archives publiques. AMMiptton, le 30 mai 1845. Carlos Antonio López. ANDRES Giix, stcrétaire du gouvernement supréme. Le gouvernement supréme de la République, voulant déve- lopper et encourager l'industrie et íes éléments d'amélioralion que l'État posséde, et considérant qu'un des moyens les pías efücaces consiste á bien definir et garantir la posilion et les droils de ceux qui concourent á un but aussi utile, décréte í Art. l*r. Tome découverte ou nouvelleinventidn, dans quel- — ib — que genre d'industrie que ce soit, est propriété de l'inventeur, el la jouissance lui en esl garanlie dans la forme et pour le temps declares dans les anieles suivants. Art. 2. Tout moyen de donner á un produit deja existant un nouveau degré «le perfeclion, sera consideré coinme une décou- verte nouvelle. Art. 5. Quiconque introduira dans la République une décou- vene d'origine étrangére jouira des avantages qu'il aurait eus comme invenleur. Art. 4. Quiconque voudra oblenir et s'assurer la jouissance d'une propiiélé induslrielle du genre de celles énoncées c¡- dessus, adresser : Io ailresser au secrétaire du gouvernement supréme une déclaralion par écril de la nature de sa prélention, soit pour une déeouverle, un peifeclionnemenl ou une simple introduction ; 2o remellre sous pli cacheté une descriptiou exacte des principes, moyens et procédés qui coiislituent la dé- couverte, ainsi que les plans, dessins , modeles et autres do- cuments qui s'y rapportent» lequel pli ou volume cachelé ánra ouvert au moment oü l'inventeur recevra son tilre de pro» priélé. Art. 5. II sera remis á l'inventeur une patente qui lui garan- tirá la propriété de sa découverte durant cinq ou dix années :» cOmpter de la date de la patente. Toutefois ce laps de temps pourra étre augmenté, et d'autres avantages étre concédés, si Timportance de l'invenlion est si grande qu'elle rédame une protection extraordinaire. Art. 6. Le temps de jouissance d'une patente accordée pour une iuvention introduite d'un pays étranger ne pourra dépasser de plus de six mois le temps fixé par le brevet d'invention con- cédé dans ledit pays á celte i uve ni ion. Art. 7. Le possesseur d'une patente jouira exclusivement de l'emploi et des produils de la découverte, perfeclionnement ou introduction, pour lesquels elle aura élé concédée. En consé- quence, íl pourra citer en justice les infracteurs; el des qu'ilsseront convaincus, on les condamnera, outre la confiscaron, á payer á l'invenleur Ies frais et dommages, et, de plus, une amende de víngtpour cent du total résultantde la condamnation précédente, qui sera appliquée á des dépenses publiques. Art. 8. Dans le cas oü la dénonciation de fraude, suivie du séquestre chez le dénoncé, se trouverait dénuée de preuves, l'inventeur sera condamné á payer au dénoncé Ies pertes et dommages qu'il lui aura causés, outre une amende de vingt pour cent du total de ees frais et dommages, appliquée de méme á des dépenses publiques. Art. 9- Tout possesseur de patente aura le droit de fonder des établissements sur divers points de la République, sauf seu- lement les réserves qui lui auront été préalablement déclarées, comme aussi d'autoriser d'autres individus á employer et met- tre en pratique ses procédés, son secret, sa découverte, et en- fin de disposer de sa patente comme d'une propriélé mobi- liére. Art. 10. Avant l'expiration du terme de la patente, les des- criptions de 1'invention ne pourront étre communiquées qu'á quelque citoyen qui pourrait vouloir les consultor, a moins que des raisons politiques ou commerciales n'exigent le secret, ou que l'inventeur n'ait sollicité et obtenu, des l'époque de la de- mande de sa patente, une réserve complete á l'égard de son in- ven tion. Art. 11. A I'expiration de la patente, 1'invention ou décou- verte devient propriété de la République, et le gouvernement supréme en fera publier la description et en permettra l'usage et la jouissance générale, sauf le cas oü il serait besoin d'y met- tre quelques reslrictions. Art. 12. Cette publication aura encoré lieu, et l'emploi et usage des procédés relatifs á 1'invention déclarés libres, si le possesseur d'une patente se trouve déchu de son droit; ce qui ne pourra arriver que dans les cas suivants : Io quand l'inven- teur aura été convaincu d'avoir omis dans sa description quel- — 77 — qu'un des procédés essentiels d'exécution, ou de ne l'avoir pas exposé avec assez de détails et de ñdélité; 2° quand il n'a pas communiqué les nouvellos modiíications ou perfectionnements appartenant á sa découverte, connus par lui á l'époque oü il sol- licitait sa patente, ou méme découverts par lui aprés l'avoir obte- nue, dont la jouissance luiétait aussi súrement garantie que celle de 1'invention premiére; 3o quand il sera démontré qu'il a ob- tenu sa patente pour une invenlion déja consignée et décrite dans des ouvrages imprimés et publiés, de maniere qu'il n'existe en réalité aucune invention nouvelle ; 4o quand, dans l'espace des deux années expirées depuis la date de la patente, il n'a pas mis sa découverte en voie d'exécution, excepté le cas oü il pourrait donner des raisons justificativos de ce retard; 5o quand, aprés avoir obtenu une patente de la République, on vient a le convaincre qu'il en a obtenu une autre pour le méme objet dans un pays étranger sans autorisation préalable; 6o la patente sera de méme révoquée, 1'invention publiée et son usage rendu libre, si l'acquéreur du droit de jouir d'une invention spécifiée dans une patente viole les conditions imposées á l'inventeur, condi- tions qui ne sont pas moins obligatoires pour l'acquéreur. Art. 13. Si une découverte utile au public se trouve émi- nemment simple dans l'exécution et susceptible d'étre imitée trop facilement, l'inventeur, au lieu d'une patente, pourra de- mander une récompense équivalente. Art. 14. Ceci pourra encoré avoir lieu quand l'inventeur préférera l'honneur de faire jouir de suite la nation des avanta- ges de sa découverte. Ges récompenses seront proportionnées á l'utilité respective des ¡nventions, bien et dáment constatées et appréciées. Art. 15. Si quelqu'un découvre un nouveau perfectionne- ment pour une invention déja garantie par une patente, il ob- tiendra, sur sa demande, une autre patente pour l'emploi pri- vatif de ce nouveau moyen, sans pourtant qu'il lui soit jamáis permis, sous quelque prétexte que ce soit. d'employer ou de faire employer 1'invention principale, et réciproquement l'inven-78 — teur ne pourra employer ni faire employer le nouveau procede de perfeciionnemenl, sauf les convenlions qui pourront avoir lieu enlre eux. Art. 16. La priorité* d'invention, en cas de conlestation en- tre deux patentes relalives a un mérae objet, est acquise a celui qui, le premier, a fait les déclarations et dépóts exiges par l'art. 4. Le présent décret, pour qu'il parvienne a la connaissance de tous, sera publié dans la forme légale et déposó aux archives publiques. Assomption, le 20 mai 1845. Carlos Antonio López. Andrés GiLL, secrétaire du gouvernement suprime.